jeudi 27 mai 2021

Arrêtons d'avoir peur

 

Arrêtons d'avoir peur.

Ce qui frappe au vu des réactions à la pandémie survenue début 2020, c'est la résurgence dans nos sociétés avancées d'une sorte de peur collective comparable à celle que les historiens décrivent lors des grandes épidémies du passé. Comme si le Covid-19 avait réveillé des réflexes ancestraux venant bouleverser les attitudes communes.

La peur étant une conseillère exigeante, bien des conduites se sont modifiées. Ainsi a-t-on vu indignés, rebelles, révoltés, insoumis de tout poil se plier soudain à la discipline du masque et du confinement (hormis quelques irréductibles qui ont rejoint faute de mieux les thèses complotistes ou l'apologie de quelques charlatans). Alors qu'il était de bon ton pour certains d'afficher de vives réserves à l'égard des vaccinations, on a vu les mêmes se précipiter pour obtenir une injection et s'en prendre vivement aux lenteurs de l'administration. L'alarme était telle que contre l'avis justifié de l'Education nationale, des parents affolés réclamaient la fermeture des écoles alors qu'il était prouvé que la contagion menaçait surtout dans les familles et non en milieu scolaire. Une des leçons des mois que nous venons de vivre est que l'esprit frondeur prétendument propre aux Français relève plus de la posture que de la sédition. La peur, serait-elle largement irrationnelle, rend chacun docile et discipliné.

Mais peut-être, justement, conviendrait-il de nuancer et de retrouver raison. Non qu'il s'agisse de nier l'importance et la portée de cette pandémie, mais simplement d'en ramener les proportions à leur juste mesure. Nous ne sommes plus au temps de la peste noire ni même de la grippe espagnole. Déjà, nous avons la chance d'être parvenus à un niveau de connaissance qui a permis de présenter en un temps record une gamme de vaccins efficaces, aboutissement de recherches conduites souvent depuis des décennies et dont l'urgence de la situation a simplement hâté l'application. Le 21 mai, l'OMS a publié un rapport estimant à 6 à 8 millions de morts le bilan mondial actuel de l'épidémie. L'incertitude de la fourchette tient au fait qu'hormis l'Europe et l'Amérique du Nord, où l'information est libre, les chiffres fournis par les états "illibéraux" sont très sujets à caution. Quoi qu'il en soit, on est très loin des 44 millions de morts que causa il y a un siècle la grippe espagnole.

Alors, arrêtons d'avoir peur. Les gouvernements ont raison quand ils décident un retour progressif à la normalité en ne conservant qu'un ensemble de mesures-barrières  minimum. En France, la récente enquête du Cevipof (le centre de recherches politiques de Sciences Po) montre que la lassitude commence à l'emporter largement sur la méfiance et la peur. Le coronavirus ne va pas disparaître, nous allons devoir cohabiter avec lui comme nous cohabitons avec l'agent de la grippe sans que ce dernier ne provoque les dégâts de jadis car nous avons appris à nous en défendre. Et restons lucides à ce propos.

Dans un entretien accordé au "Monde" début mai, le philosophe André Comte-Sponville constate : "il y a eu 100.000 morts du Covid-19 en France en quatorze mois. Dans la même période, 700.000 personnes sont décédées d'autre chose, 150.000 personnes meurent du cancer chaque année". Et il s'étonne "qu'une maladie dont le taux de létalité est de 0,5%, dont l'âge moyen des décès est 81 ans (…) soit une catastrophe sans précédent". Comte-Sponville s'indigne même en considérant que les conséquences économiques et sociales frappant essentiellement les jeunes, c'est, dit-il "une inversion de la solidarité intergénérationnelle". Il trouve effrayant que la priorité des priorités ait été le sort des octogénaires (lui-même va atteindre 70 ans).

 

Enfin, il est des signes encourageants, les Français retrouvent leurs habitudes. Toujours selon l'enquête du Cevipof, 58% d'entre eux considèrent que le gouvernement a (évidemment) mal géré la crise sanitaire, 47% pensent que toute cette affaire n'a pour but que la surveillance et le contrôle des citoyens et 51% sont persuadés que les médias répandent de fausses informations.

Avec les allègements en vue, manifestations et défilés vont pouvoir reprendre! Les black-blocs vont pouvoir troquer le masque contre la cagoule!