jeudi 12 août 2021

Etranges rebelles.

 

 

Etranges rebelles.

 

Ainsi, nous voyons chaque samedi des manifestations récurrentes, à l'image des gilets jaunes de 2019. Cette fois, elles contestent la mise en place du passe-sanitaire attestant la vaccination anti-covid. Du moins, c'est le prétexte avancé car il est difficile de se retrouver dans ces rassemblements hétéroclites, où l'insoumis fidèle à Mélenchon côtoie le nationaliste d'extrême-droite et le libertaire intransigeant le catholique traditionaliste irréductiblement hostile au mariage homosexuel.

Tous n'ont qu'un mot qui les rallie : "liberté"! On peut s'interroger sur le sens qu'il recouvre selon les convictions de celui qui le clame, mais il a en commun d'affirmer la prédominance absolue de l'autonomie individuelle sur les exigences de la vie sociale et les contraintes du collectif. On ne me commande pas, je fais ce que je veux faire, on ne m'impose aucune obligation. Certaines pancartes sont éloquentes : "On n'introduira jamais dans mon corps un liquide étranger". Le farouche inflexible qui la brandit doit certainement s'interdire de boire un whisky ou une vodka...

Surtout, à bien considérer les choses, refuser le passe-sanitaire, document nécessairement provisoire puisque lié à la pandémie, revient à contester tout ce qui vient  s'opposer de manière obligée au libre exercice de l'autonomie individuelle : le permis de conduire, la limitation des vitesses routières, l'interdiction de fumer dans les lieux publics, la liste serait longue... Toute astreinte émanant de l'autorité publique annonce la dictature. A regarder les affirmations brandies, à voir les références aux totalitarismes du XX° siècle dont on mesure l'indécence, on se dit nécessairement que nos manifestants ont une bien faible idée de ce qu'est réellement un régime dictatorial. D'ailleurs, si c'était le cas, ils ne seraient certainement pas là à gesticuler dans la rue et ils auraient déjà appris ce qu'est une vraie répression policière...

 

Tout cela est étrange et l'on devine qu'il s'y dissimule d'autres motivations. Quelques pancartes, quelques clameurs éclairent : le dénominateur commun de ces rassemblements disparates est en réalité la haine (le mot n'est pas trop fort) du président Macron.

Qu'a-t-il donc fait pour justifier une telle détestation? On se le demande. Il avait certes en début de mandat entrepris des réformes de fond qui heurtaient les conservatismes et bousculaient certains intérêts vite qualifiés d'acquis, mais l'irruption de la pandémie avait fait suspendre, du moins provisoirement, toute entreprise politique au profit des mesures sanitaires. Et là aussi, face à des occurrences imprévisibles et à des décisions d'urgence, le gouvernement en place, si l'on en croit les observateurs étrangers, ne s'était pas si mal débrouillé, au moins aussi bien que chez nos voisins où certains avaient un peu prématurément crié victoire! Alors, quel travers justifie une telle exécration?

Il est difficile d'y répondre car on sort là du politique pour entrer dans le mental. Hors les politiciens de divers bords dont l'unique objectif est de ravir la place, les détracteurs de Macron obéissent à une sorte de pulsion qui rappelle le réflexe infantile qui, à l'école, conduit la masse des médiocres à détester les bons élèves et spécialement les "premiers de la classe". Ils sont révulsés par cet homme jeune, dynamique, résolu, ne reculant pas devant le franc-parler et l'accusent d'arrogance, d'autoritarisme et d'aspiration à la dictature..

 

Là est peut-être un début d'explication moins subjectif. Des décennies d'approche sociétale ultralibérale ont induit un individualisme libertaire qui en est arrivé à récuser toute autorité, y compris celle qui se fonde sur le crédit de la science. Non seulement on ne me commande pas, mais on ne cherche pas à m'endoctriner et je me fais mon opinion moi-même. Le problème est de savoir sur quelle base. Quand une manifestante explique à un journaliste qu'elle a tout compris, que le Covid a été créé pour diminuer la population et les vaccins pour enrichir les groupes pharmaceutiques, on mesure l'étendue de la régression. Cette défiance généralisée à l'égard de toute compétence soupçonnée d'attenter à sa souveraineté personnelle aboutit à des comportements puérils.

Rassurons-nous néanmoins. Ces étranges rebelles, ces contestataires bruyants ne sont qu'une poignée que l'ampleur de leurs contradictions interdit de devenir une force. Hormis les extrémistes prêts à tout pour glaner des voix, les opposants politiques à Macron ne veulent pas se compromettre avec ces agités.

Il serait intéressant et instructif (par exemple) de demander à un catholique traditionaliste qui crie à la défense de la liberté s'il intègre à cette belle proclamation celle de la liberté d'avorter...