dimanche 17 février 2013

Le cancer wahhabite.





Un cancer ronge insidieusement l'islam, le wahhabisme.
L'offensive du fondamentalisme, l'islam dit radical et ses diverses tendances, salafiste ou djihadiste, la référence à la charia non comme fondement éthique, mais comme réalité juridique et judiciaire appliquant au XXI° siècle des prescriptions conçues pour la société bédouine d'Arabie au VII° (un peu comme si on substituait en France au Code civil la législation du roi Dagobert), tout cela prend racine dans le wahhabisme.
C'est dans la première moitié du XVIII° siècle que Mohamed ibn Abdelwahhab (1703-1792), issu d'une importante tribu arabe du Nejd, les Banu Tamim, prétendit, par ses prêches et ses écrits, remettre les musulmans sunnites dans la voie d'un retour à l'islam originel. Abdelwahhab s'en prenait en fait à l'islam relativement accommodant des sultans ottomans, qu'il accusait de tiédeur, sinon de trahison du message coranique. Dans une certaine mesure, sa démarche pourrait se comparer à celle de Luther interpellant la papauté au nom d'une fidélité à l'Evangile sinon que la Réforme protestante allait conduire vers une ouverture religieuse quand la prédication d'Abdelwahhab préparait un repli sectaire. Disciple du hanbalisme, l'école de pensée musulmane la plus conservatrice, Abdelwahab prônait une approche littérale du Coran et le refus absolu de toute innovation, rejetant la vénération des saints comme une idôlatrie jusqu'à faire raser leurs tombeaux et même refuser qu'on célèbre le jour de naissance du Prophète. Il appelait à un retour aux pratiques et aux modes de vie du temps de la naissance de l'islam, soit un saut en arrière de mille ans !
Sa radicalité est mal reçue et il doit fuir ses contradicteurs. C'est paradoxalement l'origine de la fortune de sa démarche. En 1744, il trouve refuge auprès de l'émir de Dariya, Ibn Saoud, qu'il convainc et qui va devenir le propagateur de sa doctrine. C'est en s'appuyant sur le wahhabisme que le clan Saoud étend sa domination en Arabie centrale, avant de lever l'étendard de la révolte contre l'Empire ottoman et de s'emparer de La Mecque et Médine entre 1806 et 1813. Ils en sont certes chassés en 1818 par les armées du sultan, mais le lien entre la maison princière et le wahhabisme perdure. Les Saoud profiteront de l'effondrement de l'Empire ottoman pour reprendre l'offensive. Ayant réoccupé La Mecque en 1924, ils fonderont en 1932 le royaume d'Arabie saoudite, avec les principes wahhabites comme doctrine officielle.
Tout cela n'aurait sans doute eu qu'une importance relative sans la découverte par les prospecteurs américains, peu de temps plus tard, de formidables gisements pétroliers sous les sables des déserts d'Arabie. En quelques années, le royaume d'Abdelaziz ibn Saoud, dont l'unique ressource était la taxe frappant les pèlerins à La Mecque, se trouve à la tête d'un pactole et doté d'une importance géostratégique telle que le président Roosevelt, conscient de l'épuisement progressif des gisements pétroliers aux Etats-Unis, rencontre personnellement le roi d'Arabie en février 1945, sur le croiseur U.S.S. Quincy qui le ramène de la conférence de Yalta. Au cours de cette entrevue, le président assure la dynastie de la protection absolue des Etats-Unis contre la garantie d'un approvisionnement constant en hydrocarbures. Non seulement le souverain saoudien se voit annoncer une véritable pluie de dollars, mais il devient l'allié privilégié de la première puissance du monde et doté du même coup d'un véritable leadership régional. Au fur et à mesure des nouvelles découvertes qui enrichissent de la même façon les émirs des misérables principautés qui bordent le Golfe Persique, il se constitue ainsi une clientèle liée par des intérêts identiques.
Et comme le wahhabisme le plus strict demeure l'idéologie fondamentale de la dynastie des Saoud et que les hasards de la géographie ont fait d'elle la gardienne des lieux saints de l'islam, cette vision rétrograde et étriquée de la religion se trouve soudain devenir un modèle.

dimanche 3 février 2013

De la "marchandisation" du corps des femmes.




Dans le cadre des débats qui entourent le projet de mariage dit "pour tous", les questions de filiation ont pris une légitime importance, et en particulier l'hypothèse de la gestation pour autrui (GPA), autorisée dans plusieurs pays et interdite en France.
L'un des arguments avancés (et par de bons esprits) est un refus de ce qui est présenté comme risque d'une "marchandisation" du corps de la femme.
Le propos est respectable, mais à y regarder de plus près, cette marchandisation du corps, qu'il soit féminin ou masculin, est une règle millénaire apparue avec la notion de travail salarié. Le travailleur (la travailleuse) "vend", ou plutôt loue sa capacité à accomplir telle ou telle tâche et sauf à établir une hiérarchie et à considérer qu'il existe des activités nobles et d'autres qui ne le sont pas, (ce qui semble quelque peu méprisant et fait mentir l'adage qui veut "qu'il n'y ait pas de sot métier"), il n'existe pas de raison manifeste appelant à une quelconque stigmatisation. Pour en rester à la prise en compte du corps féminin, une femme de ménage loue ses bras et une directrice de recherche au CNRS sa matière grise. Pourquoi donc une prostituée ne pourrait-elle pas louer son vagin et une mère porteuse son utérus ? A ce propos, il est troublant de constater que ce sont parfois les mêmes qui voudraient interdire la prostitution et qui se montrent plutôt tolérants quand à la possibilité de la GPA… Il y a là quelques inconséquences.
Mais si finalement le vrai problème se situait ailleurs (et rares sont ceux qui le mettent en lumière) ?
Imaginons un jeune adulte qui a été (bien) élevé par un couple de gays, qu'il considère à juste titre comme ses parents nourriciers, et qui est le produit d'une GPA qui a permis aux deux hommes de fonder une vraie famille. Il va peut-être se trouver un moment où notre garçon s'interrogera légitimement sur ses origines biologiques. De qui est-il réellement l'enfant, de quels gènes a-t-il hérité, quelles sont ses racines (questions fréquentes dans cette époque si férue de généalogie). Ses recherches, s'il les entreprend, n'iront pas très loin. Il découvrira qu'il est issu d'une éprouvette anonyme provenant de la banque du sperme et de l'ovule d'une Américaine inconnue qui l'a conçu et porté neuf mois au terme desquels, vu qu'il était sain et bien portant, le contrat a été rempli et la mère porteuse a touché 20 000$... Comment intégrera-t-il tout cela et quelles en seront les conséquences dans la construction de sa personnalité ?
Voilà qui ferait un excellent sujet de fiction à diffuser à la télévision un soir en prime time. Ce téléfilm ferait réfléchir le public et apporterait sans doute beaucoup plus au débat et à une juste appréciation des problèmes que maintes envolées parlementaires ou tribunes journalistiques, pour ne rien dire de manifestations pittoresques dont l'argumentaire ne dépasse pas le slogan.
Mais qui, dans le milieu médiatique, se risquerait à pareille entreprise aussitôt dénoncée comme "un autre problème", sinon une diversion de droite ?