dimanche 3 février 2013

De la "marchandisation" du corps des femmes.




Dans le cadre des débats qui entourent le projet de mariage dit "pour tous", les questions de filiation ont pris une légitime importance, et en particulier l'hypothèse de la gestation pour autrui (GPA), autorisée dans plusieurs pays et interdite en France.
L'un des arguments avancés (et par de bons esprits) est un refus de ce qui est présenté comme risque d'une "marchandisation" du corps de la femme.
Le propos est respectable, mais à y regarder de plus près, cette marchandisation du corps, qu'il soit féminin ou masculin, est une règle millénaire apparue avec la notion de travail salarié. Le travailleur (la travailleuse) "vend", ou plutôt loue sa capacité à accomplir telle ou telle tâche et sauf à établir une hiérarchie et à considérer qu'il existe des activités nobles et d'autres qui ne le sont pas, (ce qui semble quelque peu méprisant et fait mentir l'adage qui veut "qu'il n'y ait pas de sot métier"), il n'existe pas de raison manifeste appelant à une quelconque stigmatisation. Pour en rester à la prise en compte du corps féminin, une femme de ménage loue ses bras et une directrice de recherche au CNRS sa matière grise. Pourquoi donc une prostituée ne pourrait-elle pas louer son vagin et une mère porteuse son utérus ? A ce propos, il est troublant de constater que ce sont parfois les mêmes qui voudraient interdire la prostitution et qui se montrent plutôt tolérants quand à la possibilité de la GPA… Il y a là quelques inconséquences.
Mais si finalement le vrai problème se situait ailleurs (et rares sont ceux qui le mettent en lumière) ?
Imaginons un jeune adulte qui a été (bien) élevé par un couple de gays, qu'il considère à juste titre comme ses parents nourriciers, et qui est le produit d'une GPA qui a permis aux deux hommes de fonder une vraie famille. Il va peut-être se trouver un moment où notre garçon s'interrogera légitimement sur ses origines biologiques. De qui est-il réellement l'enfant, de quels gènes a-t-il hérité, quelles sont ses racines (questions fréquentes dans cette époque si férue de généalogie). Ses recherches, s'il les entreprend, n'iront pas très loin. Il découvrira qu'il est issu d'une éprouvette anonyme provenant de la banque du sperme et de l'ovule d'une Américaine inconnue qui l'a conçu et porté neuf mois au terme desquels, vu qu'il était sain et bien portant, le contrat a été rempli et la mère porteuse a touché 20 000$... Comment intégrera-t-il tout cela et quelles en seront les conséquences dans la construction de sa personnalité ?
Voilà qui ferait un excellent sujet de fiction à diffuser à la télévision un soir en prime time. Ce téléfilm ferait réfléchir le public et apporterait sans doute beaucoup plus au débat et à une juste appréciation des problèmes que maintes envolées parlementaires ou tribunes journalistiques, pour ne rien dire de manifestations pittoresques dont l'argumentaire ne dépasse pas le slogan.
Mais qui, dans le milieu médiatique, se risquerait à pareille entreprise aussitôt dénoncée comme "un autre problème", sinon une diversion de droite ?

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