Singulière
information dans la presse du 12 avril :"les internats d'excellence ont
vécu".
De quoi
s'agissait-il ? D'une mesure imaginée en
2008 par le Ministère de l'Education nationale et qui visait à offrir des
conditions favorables d'étude et de réussite à des collégiens et lycéens, issus
de milieux défavorisés et dont les résultats scolaires étaient encourageants…
Ce qu'on appelait avant le politiquement correct de "bons élèves".
En 2009, le
premier "internat d'excellence" avait été ouvert à Sourdun, dans
l'académie de Créteil, dans les locaux d'une ancienne caserne de cavalerie.
Douze autres avaient été créés en 2010, puis neuf en 2011, soit 21 en tout. Le
plan de 2008 envisageait à terme la scolarisation dans ces conditions de 20 000
jeunes, garçons et filles. En juillet 2012, le taux de réussite au baccalauréat
des pensionnaires de Sourdun avait été de 80%, la norme jadis souhaitée par M.
Chevènement.
On imagine
aisément le profil type de l'élève de l'internat d'excellence : un enfant venu
des banlieues, famille monoparentale ou en situation de précarité, milieu
familial de faible niveau culturel, parfois d'origine étrangère, et n'étant en
aucun cas en mesure de soutenir la fille ou le garçon dans son parcours
scolaire. On imagine également le climat du collège local auquel la carte
scolaire enchaînait l'élève : établissement de ZEP avec tout ce que dissimule
ce sigle de désordre, de violence, de difficulté à travailler et à progresser.
On devine le bonheur qu'a dû représenter pour ces quelques milliers
d'adolescents (4713 à la rentrée 2012) : l'inscription dans les internats, la
découverte soudaine de conditions de vie et de travail inespérées qui leur
offraient pour la première fois la perspective de pouvoir "s'en
sortir".
C'est tout
cela qui disparaît suite à la déclaration lapidaire du directeur de
l'enseignement scolaire du Ministère : "Les internats d'excellence
auront été une étape dans l'histoire de la relance des internats, réponse
coûteuse et partielle et à ce double titre, ils doivent rentrer dans le
rang."
Retenons les
arguments : mesure coûteuse ? L'était-elle plus que le recrutement de 60 000
enseignants supplémentaires ? Mesure partielle, rentrer dans le rang ? Il y a
évidemment un côté discriminatoire à écrémer les couches populaires de leurs
éléments prometteurs mais en dehors de l'aide qu'on leur apporte, n'est-ce pas
aussi à terme un profit pour la nation et n'est-ce pas conforme à ce que
souhaitaient, il y a cent trente ans, les fondateurs de l'école publique ? N'est-ce
pas cela qu'on nommait naguère "l'ascenseur social", dont on nous dit
qu'il est aujourd'hui en panne ?
Il y a quand
même un étrange paradoxe à voir la gauche de gouvernement s'ingénier à
détraquer chaque fois qu'elle en a l'occasion le mécanisme du fameux ascenseur.
Il existait
autrefois, sinon des internats d'excellence, du moins une filière qui n'était
pas sans leur ressembler : les Ecoles normales primaires départementales,
chargées de former instituteurs et institutrices publics. Recrutant sur concours,
elles drainaient les bons élèves issus des milieux populaires, leur permettant
d'atteindre un niveau d'étude ouvrant à la haute culture. Certains – les
meilleurs – se voyaient même attribuer volontiers des bourses qui les
conduisaient en classes préparatoires et d'aucuns intégraient une Ecole Normale
Supérieure. En 1989, sous le gouvernement de Michel Rocard, le ministre Lionel
Jospin a jugé bon de les supprimer pour les remplacer par les calamiteux IUFM.
Fin de la filière.
Aujourd'hui,
c'est sous un gouvernement socialiste que le ministre Vincent Peillon supprime
les internats d'excellence sous prétexte qu'ils coûtent trop chers. Nouvelle
fin de filière…
C'est à n'y rien comprendre. On n'ose pas
croire que c'est au nom de quelque idéologie égalitaire qui reviendrait à tout niveler
car le compte n'y est pas. Pendant la Révolution française, une chanson de sans-culotte
clamait : " Il faut raccourcir les
géants / Et rendre les petits plus grands / Tous à la même hauteur ! / Voilà le
vrai bonheur !". Dans le cas qui nous intéresse, on ne prend vraiment pas
le chemin de rendre les petits plus grands. Bien au contraire, on les renvoie
d'où ils viennent. Les élèves qui voulaient travailler, qui prenaient à cœur
leur scolarité vont retrouver le collège où ils se feront traiter de bouffons
et ils ne risqueront certes pas d'accéder à une prépa, ni même sans doute à
l'Université. Ainsi, ils ne viendront pas troubler la quiétude des enfants de
cadres supérieurs ou d'enseignants qui n'ont pas besoin qu'on les prenne en
charge et qui continueront tranquillement à peupler les grandes écoles, puis
les cabinets ministériels et l'appareil des partis politiques, en particulier
de gauche.
Alors ? Etrange
conjoncture, mais n'aurions-nous pas oublié un paramètre dans cette tentative
de comprendre l'indéchiffrable ?
La création
des internats d'excellence était une idée du quinquennat Sarkozy. Que n'y
avions-nous pas pensé !
Tout
s'explique dorénavant : "Vade retro,
Satanas!".