Dérives.
Le féminisme
est une démarche noble et légitime. En militant pour la reconnaissance de
l'égalité dans la différence, il vient corriger le postulat millénaire d'une
prétendue supériorité masculine (le patriarcat), sacralisée par les
monothéismes qui ont fait du Dieu unique et créateur un principe masculin (le
Père) et écarté de l'espace divin toute déité féminine. Il vient protéger la
femme des entreprises des prédateurs sexuels qui abusent d'une position de
pouvoir pour laisser leurs pulsions élémentaires submerger toute forme de
civilité, comme l'a montré, suite à l'affaire Weinstein aux Etats-Unis,
l'émergence du site "MeToo". Hélas! Il n'a pas fallu long temps pour
que surgissent alors les radicalités, comme toujours déviantes et destructrices
et dont, en France, le site "Balance-ton-porc" a été l'exemple,
véritable appel à la délation et porte ouverte aux ressentiments et aux haines
recuites, quand ce n'est pas aux manipulations politiciennes.
En ce
sens,les diatribes dont sont victimes en France deux ministres, MM. Darmanin et
Dupond-Moretti, sont révélatrices. Nous avons déjà ici évoqué le cas Darmanin.
Voici une personnalité de premier plan accusé d'un viol qu'il aurait commis il
y a une dizaine d'années, quand il était Maire de Tourcoing. La justice ayant
été saisie, deux classements sans suite et un non-lieu n'y ont rien fait et une
relance en appel, justifiée semble-t-il par un vice de forme, permet à nouveau
d'alimenter la suspicion et de faire campagne. Or, étrangement, nul ne
s'attarde sur la personnalité pour le moins trouble de l'accusatrice, ex call-girl condamnée pour harcèlement et
chantage, et qui tentait précisément de contacter le Maire pour trouver un
appui ou une protection face à ce jugement! Suggérait-elle une compensation en
nature que M. Darmanin aurait eu la faiblesse d'accepter et qui permettrait
aujourd'hui une autre forme de chantage? Apparemment, personne ne paraît se
poser la question.
Le cas de M°
Dupond-Moretti est encore plus exemplaire. Nul soupçon de prédation sexuelle,
là, mais des propos que nos militantes radicales jugent insultants ou
misogynes! Certes, on sait que le grand avocat n'a pas la langue dans sa poche
et qu'il ne déteste rien de plus que les censures et les préciosités
langagières du "politiquement correct", mais le fait d'appeler un
chat un chat est-il devenu dans nos sociétés douillettes un acte délictueux? On
peut supposer que pour M° Dupond-Moretti, un aveugle n'est pas un mal-voyant ou
un imbécile un mal-comprenant et nous laissons au lecteur le soin de deviner
par quel mot il traduirait l'anglicisme "call-girl", mais est-ce là une preuve de mépris ou un souci de
vérité, n'en déplaise aux militantes radicales?
A prendre au
pied de la lettre le féminisme radical, c'est la sexualité elle-même qui est condamnable,
prélude à un néo-puritanisme. Comment interpréter la déclaration de
l'universitaire américaine Marilyn French quand elle écrit que "les hommes sont engagés dans une guerre
mondiale contre les femmes" sinon comme l'appel à la prohibition de
toute relation entre les uns et les autres? Le 16 juillet dernier, le journal
"Le Monde" a publié quatre tribunes sur la question : deux défendant
les thèses radicales, deux prenant leurs distances relativement à celles-ci.
Les premières associaient un texte assez général, signé par 91 intellectuelles
de divers pays du monde (dont on peut s'interroger sur l'étendue précise des
connaissances qu'elles avaient du contexte français), à un propos de Mme
Rachida Dati, qu'on avait connue mieux
inspirée et qui était en fait une pique dirigée contre le Président Macron. Parmi
les deux autres, l'une rappelait judicieusement que les réseaux sociaux et les
campagnes de presse n'ont pas à se substituer à la justice, la suivante, signée
de Mme Noëlle Lenoir, juriste, membre honoraire du Conseil constitutionnel,
dénonçait précisément les dérives radicales. "Il est temps, concluait-elle, que
nous réagissions et que les responsables politiques attachés à notre modèle de
vivre-ensemble s'expriment sans crainte pour défendre, contre le sectarisme,
notre héritage des Lumières".
Ne soyons pas
naïfs. Les attaques actuellement dirigées contre deux personnalités
ministérielles ont pour but réel d'affaiblir le gouvernement et leurs
protagonistes font flèche de tout bois. Mais ce qui est inquiétant, c'est
l'argumentaire dans lequel ils puisent. Il n'est pas admissible que le combat
contre le patriarcat ou la défense des femmes face à toute violence soient
confisqués à des fins politiciennes. On ne dira jamais assez combien les
dérives radicales sont préjudiciables à ce qu'elles prétendent assumer.
L'ultralibéralisme a abîmé le libéralisme et perverti la démocratie, ouvrant la
porte aux populismes, à l'installation en Europe de régimes
"illibéraux", consolidant ailleurs le pouvoir d'oligarchies
autoritaires. L'ultraféminisme discrédite le féminisme authentique, donnant aux
divers réactionnaires des arguments pour le dénigrer. Il doit être démystifié,
à l'image de tous les sectarismes.