jeudi 23 juillet 2020

Dérives


Dérives.

Le féminisme est une démarche noble et légitime. En militant pour la reconnaissance de l'égalité dans la différence, il vient corriger le postulat millénaire d'une prétendue supériorité masculine (le patriarcat), sacralisée par les monothéismes qui ont fait du Dieu unique et créateur un principe masculin (le Père) et écarté de l'espace divin toute déité féminine. Il vient protéger la femme des entreprises des prédateurs sexuels qui abusent d'une position de pouvoir pour laisser leurs pulsions élémentaires submerger toute forme de civilité, comme l'a montré, suite à l'affaire Weinstein aux Etats-Unis, l'émergence du site "MeToo". Hélas! Il n'a pas fallu long temps pour que surgissent alors les radicalités, comme toujours déviantes et destructrices et dont, en France, le site "Balance-ton-porc" a été l'exemple, véritable appel à la délation et porte ouverte aux ressentiments et aux haines recuites, quand ce n'est pas aux manipulations politiciennes.
En ce sens,les diatribes dont sont victimes en France deux ministres, MM. Darmanin et Dupond-Moretti, sont révélatrices. Nous avons déjà ici évoqué le cas Darmanin. Voici une personnalité de premier plan accusé d'un viol qu'il aurait commis il y a une dizaine d'années, quand il était Maire de Tourcoing. La justice ayant été saisie, deux classements sans suite et un non-lieu n'y ont rien fait et une relance en appel, justifiée semble-t-il par un vice de forme, permet à nouveau d'alimenter la suspicion et de faire campagne. Or, étrangement, nul ne s'attarde sur la personnalité pour le moins trouble de l'accusatrice, ex call-girl condamnée pour harcèlement et chantage, et qui tentait précisément de contacter le Maire pour trouver un appui ou une protection face à ce jugement! Suggérait-elle une compensation en nature que M. Darmanin aurait eu la faiblesse d'accepter et qui permettrait aujourd'hui une autre forme de chantage? Apparemment, personne ne paraît se poser la question.
Le cas de M° Dupond-Moretti est encore plus exemplaire. Nul soupçon de prédation sexuelle, là, mais des propos que nos militantes radicales jugent insultants ou misogynes! Certes, on sait que le grand avocat n'a pas la langue dans sa poche et qu'il ne déteste rien de plus que les censures et les préciosités langagières du "politiquement correct", mais le fait d'appeler un chat un chat est-il devenu dans nos sociétés douillettes un acte délictueux? On peut supposer que pour M° Dupond-Moretti, un aveugle n'est pas un mal-voyant ou un imbécile un mal-comprenant et nous laissons au lecteur le soin de deviner par quel mot il traduirait l'anglicisme "call-girl", mais est-ce là une preuve de mépris ou un souci de vérité, n'en déplaise aux militantes radicales?
A prendre au pied de la lettre le féminisme radical, c'est la sexualité elle-même qui est condamnable, prélude à un néo-puritanisme. Comment interpréter la déclaration de l'universitaire américaine Marilyn French quand elle écrit que "les hommes sont engagés dans une guerre mondiale contre les femmes" sinon comme l'appel à la prohibition de toute relation entre les uns et les autres? Le 16 juillet dernier, le journal "Le Monde" a publié quatre tribunes sur la question : deux défendant les thèses radicales, deux prenant leurs distances relativement à celles-ci. Les premières associaient un texte assez général, signé par 91 intellectuelles de divers pays du monde (dont on peut s'interroger sur l'étendue précise des connaissances qu'elles avaient du contexte français), à un propos de Mme Rachida Dati, qu'on avait connue  mieux inspirée et qui était en fait une pique dirigée contre le Président Macron. Parmi les deux autres, l'une rappelait judicieusement que les réseaux sociaux et les campagnes de presse n'ont pas à se substituer à la justice, la suivante, signée de Mme Noëlle Lenoir, juriste, membre honoraire du Conseil constitutionnel, dénonçait précisément les dérives radicales. "Il est temps, concluait-elle, que nous réagissions et que les responsables politiques attachés à notre modèle de vivre-ensemble s'expriment sans crainte pour défendre, contre le sectarisme, notre héritage des Lumières".
Ne soyons pas naïfs. Les attaques actuellement dirigées contre deux personnalités ministérielles ont pour but réel d'affaiblir le gouvernement et leurs protagonistes font flèche de tout bois. Mais ce qui est inquiétant, c'est l'argumentaire dans lequel ils puisent. Il n'est pas admissible que le combat contre le patriarcat ou la défense des femmes face à toute violence soient confisqués à des fins politiciennes. On ne dira jamais assez combien les dérives radicales sont préjudiciables à ce qu'elles prétendent assumer. L'ultralibéralisme a abîmé le libéralisme et perverti la démocratie, ouvrant la porte aux populismes, à l'installation en Europe de régimes "illibéraux", consolidant ailleurs le pouvoir d'oligarchies autoritaires. L'ultraféminisme discrédite le féminisme authentique, donnant aux divers réactionnaires des arguments pour le dénigrer. Il doit être démystifié, à l'image de tous les sectarismes.

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