mardi 28 mai 2013

Politiquement correct.



En 1952, le bon Georges Brassens interprétait une chanson de sa composition aussi gaillarde que roborative :"Gare au gorille !".
On connaît l'argument. Un patron de ménagerie présente au public, dans une cage, un superbe gorille mâle aux attributs impressionnants que lorgnent avec insistance les femmes présentes. Or, voici que l'animal brise la cage et s'échappe.
Tout le monde se précipite       
Hors d'atteinte du singe en rut,           
Sauf une vieille décrépite        
Et un jeune juge en bois brut;  
Voyant que toutes se dérobent,          
Le quadrumane accéléra          
Son dandinement vers les robes          
De la vieille et du magistrat !  
Gare au gorille !...        

"Bah ! soupirait la centenaire, 
Qu'on puisse encore me désirer,          
Ce serait extraordinaire,          
Et, pour tout dire, inespéré !" ;
Le juge pensait, impassible,     
"Qu'on me prenne pour une guenon,   
C'est complètement impossible..."      
La suite lui prouva que non !   
Gare au gorille !...        

Supposez que l'un de vous puisse être,           
Comme le singe, obligé de      
Violer un juge ou une ancêtre,
Lequel choisirait-il des deux ?
Qu'une alternative pareille,      
Un de ces quatre jours, m'échoie,       
C'est, j'en suis convaincu, la vieille     
Qui sera l'objet de mon choix !           
Gare au gorille !...

En 2013, Georges Brassens serait accusé d'homophobie dissimulée et son portrait serait affiché sur le "mur des cons" du Syndicat de la magistrature. Encore une chance s'il échappait au soupçon d'incitation au viol et s'il ne se trouvait pas quelque association l'incriminant de maltraitance d'une espèce animale menacée et protégée.
Il faut ajouter – circonstance aggravante – que Georges Brassens fumait la pipe.
Gare à la bêtise !

lundi 27 mai 2013

Le président normal.



Il a pu paraître étrange que le président Hollande ait choisi Leipzig et une allocution devant un public étranger pour annoncer ce qui sera retenu, selon toute probabilité, comme le tournant décisif de son quinquennat. Et cela une semaine après une conférence de presse assez terne, hormis des propositions sur l'Europe qui – déjà un signe – ne faisaient que reprendre celles que son prédécesseur avait formulées dès octobre 2008 devant le Parlement européen.
Mais pouvait-il en être autrement ? Nous évoquions ici, dès fin 2012, le virage qui s'amorçait avec le pacte de compétivité et l'esquisse d'une continuité avec la politique précédemment menée. En assumant pleinement, à Leipzig, une orientation sociale-libérale plus proche de Tony Blair et Gerhardt Schröder (nommément cité) que des illusions que persiste à entretenir son électorat en France, François Hollande mettait ce dernier (et le PS avec lui) face au fait accompli tout en en amortissant l'effet.
Il est remarquable de constater combien les médias de gauche ont minimisé ces déclarations, se limitant à les présenter comme une sorte de politesse à l'égard de ses hôtes du SPD ou en en faisant un compte-rendu édulcoré. Alors qu'il s'agissait d'un événement politique majeur, "Le Monde" du 25 Mai le reléguait en page 4, sans mention de l'article dans son sommaire de première page et sous un titre lénifiant tiré du discours et qui n'engageait pas à grand-chose : "le réalisme, ce n'est pas le renoncement à l'idéal". Certes, mais on aurait pu ajouter : l'idéal, c'est la perfection, donc l'inaccessible.  De façon d'ailleurs moins dérobée, le journal reconnaissait qu'"une partie de l'intervention du chef de l'Etat semblait autant destinée à la gauche française qu'au public allemand". O combien !
La convaincra-t-il ? Déjà, au sein du PS, des voix s'élèvent, parlent de trahison. Mélenchon n'a rien dit, mais on ne perd rien pour attendre. Surtout, une masse de gens qui ont voté Hollande en Mai 2012, imaginant vraiment que le changement, c'était maintenant, ne comprend plus et se sent une nouvelle fois flouée. Mais c'est fait, Hollande l'a dit, il devient enfin un président normal.
Normal au sens que prend ce mot dans le cadre de la présidence quinquennale, c'est-à-dire un homme seul qui doit se montrer déterminé, oublier qu'il fut un chef de parti surtout quand ce parti persiste à formuler le langage de l'utopie et le déni des réalités, se montrer pragmatique, ne pas s'enfermer dans la vaine vindicte à l'égard de son prédécesseur dont, qu'il le dise ou non, il poursuit l'action entreprise et dont il doit imiter la fermeté face à la rue. Ainsi, il ne cédera pas face aux centaines de milliers de manifestants hostiles au "mariage pour tous" et il aura raison, non parce que cette réforme était nécessaire, mais parce qu'elle a été votée. Il pourra ainsi résister aux prévisibles centaines de milliers de protestataires qui défileront lors de la future réforme des retraites qui, contredisant les propos définitifs du PS de 2010, portera de-facto l'âge de la cessation d'activité à 65 ans, sinon plus. Il se donnera le courage de réformer la politique sociale pour sauver ce qui peut l'être, de simplifier l'administration et de réduire le nombre des fonctionnaires.
Avec quelle majorité ? Là est toute la question. Déconcerté, déstabilisé, le parti socialiste risque de se diviser. Une dissidence semblable à celle qui, il y a 55 ans, vit naître le "parti socialiste autonome" contre la politique algérienne de Guy Mollet est possible. Contre elle, le président dispose d'une arme absolue, la menace de dissolution. Vu l'état des lieux, maints députés socialistes n'ont guère de chance de retrouver le Palais-Bourbon et cette perspective rend docile tout élu récalcitrant. Mais ce choix conduirait cependant François Hollande à envisager éventuellement de se constituer une autre majorité, avec le risque de cette cohabitation que le quinquennat façon Jospin devait à jamais écarter.
Sera-t-il capable de le faire s'il se découvre acculé ? C'est au courage qu'il manifestera dans les mois qui viennent qu'on jugera si on l'a quelque peu sous-estimé et si un authentique homme d'Etat ne se cachait pas derrière celui que d'aucuns surnommaient déjà "pépère".
Comme l'énonçait (un peu vite) Lamarck : la fonction crée l'organe.

samedi 25 mai 2013

Actualité.


Jeudi 23 mai. A l'aube, deux attentats simultanés contre un camp militaire et les exploitations minières d'Areva au Niger ont fait, on l'apprend vite, une vingtaine de morts. La veille, un soldat britannique a été assassiné de façon horrible dans une rue de Londres par deux fanatiques islamistes. A Stockholm, les ghettos de banlieue sont en ébullition, comme à Paris en 2005 et à Londres en 2011. A Leipzig, le président Hollande est arrivé aux commémorations des 150 ans du SPD et il s'apprête à y prononcer un important discours…
Qu'importe ! Sur une grande chaîne publique de radio, le bulletin de 13 heures s'ouvre sur une information d'une dimension autrement importante : Georges Moustaki est mort. Et pendant six ou sept minutes, on s'attarde longuement sur la personnalité et l'œuvre d'un artiste certes sympathique et délicat, mais dont la plupart des moins de trente ans ignore même le nom. On sollicite quelques vieilles vedettes à la mémoire parfois défaillante pour dire, comme il convient, les formules attendues et tout le bien qu'elles pensent d'une personnalité récemment défunte. Au terme de la nécrologie et suite à la petite musique transitionnelle, on commence enfin à parler du reste, les deux attentats, le crime de Londres, etc…
Ce n'est qu'un détail, mais il donne la mesure de l'inanité du brouhaha médiatique qui, hors quelques émissions de qualité, tient lieu d'information dans l'espace audio-visuel. En noyant tout, l'anecdotique et l'essentiel, l'important et le dérisoire dans le même fleuve de paroles, la culture de masse travaille patiemment, non seulement à la dépolitisation, mais à l'infantilisation de ce qu'on appelait autrefois le peuple et qu'on nomme aujourd'hui les masses.
Après, on s'étonne de l'ignorance des fondamentaux, des raisonnements simplistes, pour ne pas dire puérils qui règlent tous les problèmes sur la base du "n'y a qu'à" et qui font fi des plus élémentaires réalités. On s'alarme du crédit des démagogues, de gauche comme de droite, dont le "pensée" se réduit à des slogans. On s'effraie de la montée des "populismes".
Avouons qu'on a tout fait pour en arriver là et qu'on persiste.

mercredi 15 mai 2013

Sur l'escamotage d'une promesse de campagne.





On prête au président Hollande l'intention d'introduire dans la Constitution plusieurs de ses propositions de campagne, mais il en est une qui s'est pour ainsi dire escamotée, le droit de vote des étrangers aux élections locales. On a le sentiment que le pouvoir redoute les réactions d'une opinion qui, nonobstant les sondages, resterait en réalité hostile au projet. Après les remous provoqués par le mariage-pour-tous, ce serait prendre le risque d'apporter un nouvel argumentaire à l'opposition et, pire encore, à une extrême-droite déjà en pleine progression.
Faut-il voir derrière ces hésitations la prise de conscience d'une réalité profondément enracinée dans l'histoire et qu'on pourrait définir, en paraphrasant De Gaulle, comme "une certaine idée de l'identité française".
La précédente mandature avait tenté un débat sur l'identité nationale, aussitôt pollué par les accusations mêlées de nationalisme, sinon de racisme, de complaisance à l'égard des thèmes du Front national quand ce n'était pas d'islamophobie rampante. En fait, le climat d'hystérie anti-Sarkozy rendait le débat impossible et finissait par occulter l'essentiel : il existe en France un puissant sentiment identitaire, l'un des plus consistants d'Europe et un rien suffit à le réveiller. Il est piquant de voir certains qui s'insurgeaient naguère  contre l'idée même d'identité nationale s'enflammer aujourd'hui et crier au suicide culturel quand l'Université envisage de diffuser certains cursus scientifiques dans ce global english qui est devenu, pour la recherche, l'équivalent du latin il y a trois siècles : la lingua franca internationale.
La forte perception unitaire du peuple français a de très lointaines racines historiques. La France est l'un des plus anciens états d'Europe et être Français fut d'abord (et longtemps) être sujet du roi de France. Dès le XVI° siècle, sinon le XIV°, la règle voulant que tout enfant né dans le royaume soit sujet du roi a fondé le droit du sol, toujours appliqué. Celui-ci s'est avéré une puissante machine à assimiler les apports étrangers multiples et il a fait historiquement (et contrairement à des affirmations partisanes) du peuple français l'un des moins xénophobes du monde. Non seulement l'étranger a été le bienvenu, mais il s'est totalement intégré dès la première génération au point qu'il n'est pas rare de le voir accéder à de hautes fonctions.
Sous l'Ancien Régime, la France a souvent été gouvernée par des personnalités non-françaises de naissance, à commencer par ces reines-régentes que furent Catherine de Médicis ou Anne d'Autriche. Cette dernière confia de considérables responsabilités au cardinal Giulio Mazzarini et Louis XVI n'hésita pas à faire contrôleur général des finances (et pratiquement premier ministre) le Suisse Jacques Necker.
Après la Révolution, comment ne pas remarquer que les parents de Napoléon Bonaparte avaient été dans leur jeunesse sujets génois, tout comme le comte Corvetto, ministre des finances de Louis XVIII ou les parents de Léon Gambetta. Sous la IIIème République, William Henry Waddington, qui fut Premier ministre en 1879, était né d'un père écossais et, beaucoup plus près de nous, Nicolas Sarközy de Nagy-Bocsa, fils d'un immigré hongrois, est devenu président de la République ! Au même moment, trois ministres attestaient des origines étrangères, marocaine pour Rachida Dati, algérienne pour Fadela Amara et sénégalaise pour Rama Yade. Dans l'actuel gouvernement de Jean-Marc Ayrault, Pierre Moscovici a des origines roumaines, Najat Vallaut-Belkacem, Yamina Benguigui et Kader Arif ont des parents maghrébins et Fleur Pellerin, enfant adoptée, est de naissance coréenne. La tradition se prolonge donc.

Pourquoi dès lors la question du droit de vote des étrangers grippe-t-elle ? Parce que dans l'inconscient collectif, l'étranger n'est pas un immigré, mais un expatrié.
Précisons. L'immigré est considéré comme ayant fait un choix, celui de se fixer dans le pays où il est parvenu et d'en devenir citoyen. Cette acquisition de la citoyenneté se fait par la naturalisation. Celle-ci, qui ouvre à tous les droits dont disposent les nationaux, ne suppose a-priori nulle volonté de retour au pays de ses origines, sinon dans une démarche de visite, de pèlerinage sentimental. En revanche, l'expatrié demeure un étranger dont le séjour, même s'il se prolonge, n'a pas pour vocation de devenir pérenne. S'il souhaitait rester, il entreprendrait les démarches nécessaires pour se faire intégrer. L'opinion commune ne voit donc aucune raison légitime de lui permettre d'intervenir dans les mécanismes démocratiques d'un peuple auquel il n'appartient pas en tant que citoyen et dont le devenir lui est extérieur. L'argument que par sa présence, son travail, il participe de la vie de la nation hôte ne convainc pas : ayant personnellement passé quinze années de ma vie à travailler comme Français expatrié dans deux pays différents, il ne me serait jamais venu à l'esprit de revendiquer un droit quelconque à participer à la vie politique de ces nations alors que je votais en France, dont j'étais citoyen.
Il s'agit donc d'un débat biaisé où les arguments idéologiques entrent en conflit avec le sens commun, qui commande très généralement les réactions de l'opinion publique majoritaire. S'il paraît normal – droit du sol s'imposant – que les enfants d'étrangers acquièrent automatiquement la citoyenneté française et, devenus majeurs, bénéficient de ses droits, il semble contestable de l'accorder à des parents ayant conservé leur nationalité d'origine. Certains sont là depuis longtemps, objectera-t-on, mais alors, pourquoi n'ont-ils pas choisi la voie de l'intégration par la naturalisation ? Contrairement à une idée reçue, celle-ci s'acquiert plus facilement qu'on le dit. Un rapport de l'INSEE de 2006 montre qu'entre 1999 et 2005, un million d'étrangers ont reçu la nationalité française et les modalités se sont même assouplies depuis cette date.
Les politiques qui défendent le principe du vote des étrangers obéissent à deux modes de motivation (qui parfois s'entrecroisent). L'un, assez trivial, est un calcul électoraliste à court terme. L'autre est une vision cosmopolite et assez iréniste de la démocratie qui, prenant appui sur l'ouverture à la participation électorale des citoyens de l'Union européenne,( démarche d'essence différente puisque l'Union est censée tendre vers une entité politique commune), veulent étendre cette prérogative à la totalité du genre humain. En dehors des objections formulées ci-dessus, les conditions propres à la France actuelle ouvriraient au risque de l'apparition de mouvements communautaires et nous retrouvons là la puissante tradition dont nous faisions état en commençant : la France est assimilatrice et ouverte à tous sous condition d'adhérer pleinement aux valeurs qui ont, depuis des siècles, exprimé l'identité culturelle française. C'est ainsi et il est impossible de n'en pas tenir compte.
François Hollande l'a compris. Soulever ce problème serait non seulement un nouveau facteur de clivage de la société, mais ce serait offrir un formidable argumentaire à un populisme de droite qui n'en a nul besoin et qui est déjà suffisamment menaçant pour qu'on ne lui donne pas l'occasion de le devenir plus encore.

jeudi 9 mai 2013

Une usure prématurée.


Une usure prématurée.



Début mai 2013, des sondages nous apprennent que l'indice de confiance du président Hollande a atteint 25%, peut-être même qu'il est déjà passé au dessous de ce seuil.
Certes, on a vu pire. Entre février et mai 2011, après la mise en application de la retraite à 62 ans et en pleine querelle sur l'application de la "règle d'or", Nicolas Sarkozy a chuté à 20% et avant lui (record absolu), Jacques Chirac, après la lamentable reculade sur le "Contrat première embauche" (CPE), plongeait l'été 2006 à… 16%. Simplement, Sarkozy arrivait en fin de mandat (et il allait opérer une remontée spectaculaire, le plaçant à 37% en avril 2012 et lui permettant de capitaliser le mois suivant 48,37% des suffrages). Quant à Jacques Chirac, il s'apprêtait à se retirer de la vie politique après 12 ans de présence à la tête de l'Etat, et notons d'ailleurs que son indice serait lui aussi redressé à 30% en mai 2007.
François Hollande, lui, n'est élu que depuis un an et il a devant lui quatre années à assumer. Le problème n'est donc pas tout à fait le même.

L'alternative est claire. Ou les Français reprennent confiance et la cote du président remonte rapidement, comme ce fut le cas dans les précédents cités, ou l'érosion se poursuit et vu la durée du mandat à exécuter, il risque de se poser un vrai problème de légitimité. Le caractère éminemment présidentiel de la Constitution, sous le système quinquennal, ne peut s'accommoder longtemps d'un chef suprême qui ne dispose de la confiance que d'un citoyen sur quatre, sinon cinq. Déjà, lors des déplacements internationaux (le dernier a eu lieu en Chine), les dirigeants étrangers qui l'accueillent ne peuvent ignorer cette donnée même s'ils sauvegardent les apparences : quel est le niveau de crédibilité réelle d'un homme aussi désavoué un an après son élection ? L'hyperprésidence, consubstantielle aux actuelles institutions, est-elle compatible avec un si maigre prestige ?
La question est d'autant plus préoccupante que si le président décroche, d'autres progressent, et non du côté de l'opposition parlementaire (où l'absence d'un leader incontesté et d'un projet politique clair continuent à se faire sentir), mais dans l'espace contestataire des indignés de tout poil où le slogan et la solution-miracle persistent à prospérer. Si malgré les postures théâtrales, les invectives et les rassemblements prétendument massifs, le Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon stagne autour des 11% qu'il atteignit lors des scrutins de 2012, Marine Le Pen poursuit silencieusement sa progression et affiche, début mai 2013, 36% d'opinions favorables. Pire, une analyse plus poussée témoigne qu'à l'intérieur d'un potentiel qui rappelle celui du PCF à sa grande époque, il faut compter 53% d'ouvriers et 42% d'employés, ces catégories qui caractérisaient naguère le "peuple de gauche". Aveuglement ou méthode Coué, les médias (et spécialement ceux de gauche) persistent à dénoncer la prétendue attraction du FN sur l'électorat de droite alors que c'est en réalité le réservoir des voix de gauche qui se trouve progressivement siphonné. Nicolas Sarkozy l'avait peut-être compris et là serait la clé de la "droitisation" de sa campagne de 2012 : attirer les suffrages populaires qui glissaient vers le FN en insistant sur ce qui les séduisait dans le discours de Marine Le Pen, non pas le protectionnisme ou la sortie de l'euro, mais les problèmes d'immigration, d'insécurité, d'identité culturelle. Et il aurait en ce sens mieux réussi qu'on veut bien le dire, comme l'ont montré ses résultats réels comparés à ceux que lui promettaient les supputations pré-électorales.

Tout cela est fort inquiétant et devrait commander la future stratégie du président Hollande avec comme unique interrogation : comment reconquérir l'opinion ? Et pour cela, comment gouverner vu la conjoncture, et avec qui ?
Dans les semaines qui viennent, va s'avérer avec de plus en plus d'insistance l'effritement de la majorité. Hollande est arrivé à l'Elysée sans s'être départi de son costume de Premier secrétaire du PS. Même si on avait pu le soupçonner de manœuvre, Sarkozy avait su engager l'ouverture : Hollande, lui, a construit un cabinet exclusivement socialiste, même si quelques strapontins ont été attribués à de chétifs alliés. Il a fait comme si le PS était une structure homogène, prête à le soutenir inconditionnellement or, c'est loin d'être le cas et, hormis la hantise de la réélection qui habite tout député (attitude qui a cependant ses limites si la certitude de la défaite se profile et qu'il convient alors de penser à sa réputation), une part grandissante de la représentation socialiste regimbe et ne se reconnaît pas dans les choix présidentiels qui ressemblent de plus en plus à ceux de la précédente mandature, même s'ils usent d'un langage différent. En ce printemps 2013, la Commission de Bruxelles tend au président Hollande une feuille de route qui ne peut que tétaniser nombre de socialistes : régler rapidement la question des retraites, diminuer le coût du travail et ouvrir à la concurrence le domaine des services. Le président peut-il conduire cette politique avec la majorité dont il dispose ? Ne va-t-il pas assister à des défections, peut-être même à des dissidences ? A moins de 25% d'opinions favorables, a-t-il encore l'autorité nécessaire pour imposer ses vues ?
Oui, sans doute, mais à condition de s'émanciper du PS, de se montrer (enfin) le président et non un chef de parti. Cela suppose un élargissement de majorité dont un remaniement ministériel (on en parle) pourrait être la première étape. Dans l'actuelle confusion, un appel aux bonnes volontés, un affranchissement des a-prioris idéologiques, de toute manière dépassés, semblent une nécessité. La recomposition ne peut être qu'un recentrage.
François Hollande en est-il capable ? Certes, il n'a pas naturellement le profil hyperprésidentiel, qui exige moins la discussion que l'autorité et la détermination, mais il a montré naguère à propos du Mali qu'il pouvait surprendre. A ce prix, il retrouverait certainement un capital de confiance. Au fond, c'est une figure nouvelle de la cohabitation qui pourrait sauver le quinquennat, serait-ce au prix de l'éclatement des formations politiques qui ont condamné depuis des décennies la France à un pseudo-bipartisme dont on mesure aujourd'hui combien il est artificiel et préjudiciable.