Une usure
prématurée.
Début mai
2013, des sondages nous apprennent que l'indice de confiance du président
Hollande a atteint 25%, peut-être même qu'il est déjà passé au dessous de ce
seuil.
Certes, on a
vu pire. Entre février et mai 2011, après la mise en application de la retraite
à 62 ans et en pleine querelle sur l'application de la "règle d'or",
Nicolas Sarkozy a chuté à 20% et avant lui (record absolu), Jacques Chirac,
après la lamentable reculade sur le "Contrat première embauche"
(CPE), plongeait l'été 2006 à… 16%. Simplement, Sarkozy arrivait en fin de
mandat (et il allait opérer une remontée spectaculaire, le plaçant à 37% en
avril 2012 et lui permettant de capitaliser le mois suivant 48,37% des
suffrages). Quant à Jacques Chirac, il s'apprêtait à se retirer de la vie
politique après 12 ans de présence à la tête de l'Etat, et notons d'ailleurs que
son indice serait lui aussi redressé à 30% en mai 2007.
François
Hollande, lui, n'est élu que depuis un an et il a devant lui quatre années à
assumer. Le problème n'est donc pas tout à fait le même.
L'alternative
est claire. Ou les Français reprennent confiance et la cote du président
remonte rapidement, comme ce fut le cas dans les précédents cités, ou l'érosion
se poursuit et vu la durée du mandat à exécuter, il risque de se poser un vrai problème
de légitimité. Le caractère éminemment présidentiel de la Constitution, sous le
système quinquennal, ne peut s'accommoder longtemps d'un chef suprême qui ne
dispose de la confiance que d'un citoyen sur quatre, sinon cinq. Déjà, lors des
déplacements internationaux (le dernier a eu lieu en Chine), les dirigeants
étrangers qui l'accueillent ne peuvent ignorer cette donnée même s'ils
sauvegardent les apparences : quel est le niveau de crédibilité réelle d'un
homme aussi désavoué un an après son élection ? L'hyperprésidence,
consubstantielle aux actuelles institutions, est-elle compatible avec un si
maigre prestige ?
La question
est d'autant plus préoccupante que si le président décroche, d'autres
progressent, et non du côté de l'opposition parlementaire (où l'absence d'un
leader incontesté et d'un projet politique clair continuent à se faire sentir),
mais dans l'espace contestataire des indignés de tout poil où le slogan et la
solution-miracle persistent à prospérer. Si malgré les postures théâtrales, les
invectives et les rassemblements prétendument massifs, le Front de gauche de
Jean-Luc Mélenchon stagne autour des 11% qu'il atteignit lors des scrutins de
2012, Marine Le Pen poursuit silencieusement sa progression et affiche, début
mai 2013, 36% d'opinions favorables. Pire, une analyse plus poussée témoigne
qu'à l'intérieur d'un potentiel qui rappelle celui du PCF à sa grande époque,
il faut compter 53% d'ouvriers et 42% d'employés, ces catégories qui
caractérisaient naguère le "peuple de gauche". Aveuglement ou méthode
Coué, les médias (et spécialement ceux de gauche) persistent à dénoncer la
prétendue attraction du FN sur l'électorat de droite alors que c'est en réalité
le réservoir des voix de gauche qui se trouve progressivement siphonné. Nicolas
Sarkozy l'avait peut-être compris et là serait la clé de la
"droitisation" de sa campagne de 2012 : attirer les suffrages
populaires qui glissaient vers le FN en insistant sur ce qui les séduisait dans
le discours de Marine Le Pen, non pas le protectionnisme ou la sortie de
l'euro, mais les problèmes d'immigration, d'insécurité, d'identité culturelle.
Et il aurait en ce sens mieux réussi qu'on veut bien le dire, comme l'ont
montré ses résultats réels comparés à ceux que lui promettaient les
supputations pré-électorales.
Tout cela est
fort inquiétant et devrait commander la future stratégie du président Hollande
avec comme unique interrogation : comment reconquérir l'opinion ? Et pour cela,
comment gouverner vu la conjoncture, et avec qui ?
Dans les
semaines qui viennent, va s'avérer avec de plus en plus d'insistance
l'effritement de la majorité. Hollande est arrivé à l'Elysée sans s'être
départi de son costume de Premier secrétaire du PS. Même si on avait pu le
soupçonner de manœuvre, Sarkozy avait su engager l'ouverture : Hollande, lui, a
construit un cabinet exclusivement socialiste, même si quelques strapontins ont
été attribués à de chétifs alliés. Il a fait comme si le PS était une structure
homogène, prête à le soutenir inconditionnellement or, c'est loin d'être le cas
et, hormis la hantise de la réélection qui habite tout député (attitude qui a cependant
ses limites si la certitude de la défaite se profile et qu'il convient alors de
penser à sa réputation), une part grandissante de la représentation socialiste regimbe
et ne se reconnaît pas dans les choix présidentiels qui ressemblent de plus en
plus à ceux de la précédente mandature, même s'ils usent d'un langage différent.
En ce printemps 2013, la Commission de Bruxelles tend au président Hollande une
feuille de route qui ne peut que tétaniser nombre de socialistes : régler
rapidement la question des retraites, diminuer le coût du travail et ouvrir à
la concurrence le domaine des services. Le président peut-il conduire cette
politique avec la majorité dont il dispose ? Ne va-t-il pas assister à des
défections, peut-être même à des dissidences ? A moins de 25% d'opinions
favorables, a-t-il encore l'autorité nécessaire pour imposer ses vues ?
Oui, sans
doute, mais à condition de s'émanciper du PS, de se montrer (enfin) le
président et non un chef de parti. Cela suppose un élargissement de majorité
dont un remaniement ministériel (on en parle) pourrait être la première étape.
Dans l'actuelle confusion, un appel aux bonnes volontés, un affranchissement
des a-prioris idéologiques, de toute manière dépassés, semblent une nécessité.
La recomposition ne peut être qu'un recentrage.
François
Hollande en est-il capable ? Certes, il n'a pas naturellement le profil
hyperprésidentiel, qui exige moins la discussion que l'autorité et la
détermination, mais il a montré naguère à propos du Mali qu'il pouvait
surprendre. A ce prix, il retrouverait certainement un capital de confiance. Au
fond, c'est une figure nouvelle de la cohabitation qui pourrait sauver le
quinquennat, serait-ce au prix de l'éclatement des formations politiques qui
ont condamné depuis des décennies la France à un pseudo-bipartisme dont on
mesure aujourd'hui combien il est artificiel et préjudiciable.
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