Jeudi 23 mai. A l'aube, deux attentats simultanés contre un
camp militaire et les exploitations minières d'Areva au Niger ont fait, on
l'apprend vite, une vingtaine de morts. La veille, un soldat britannique a été
assassiné de façon horrible dans une rue de Londres par deux fanatiques
islamistes. A Stockholm, les ghettos de banlieue sont en ébullition, comme à
Paris en 2005 et à Londres en 2011.
A Leipzig, le président Hollande est arrivé aux
commémorations des 150 ans du SPD et il s'apprête à y prononcer un important
discours…
Qu'importe ! Sur une grande chaîne publique de radio, le bulletin
de 13 heures s'ouvre sur une information d'une dimension autrement importante :
Georges Moustaki est mort. Et pendant six ou sept minutes, on s'attarde
longuement sur la personnalité et l'œuvre d'un artiste certes sympathique et
délicat, mais dont la plupart des moins de trente ans ignore même le nom. On
sollicite quelques vieilles vedettes à la mémoire parfois défaillante pour
dire, comme il convient, les formules attendues et tout le bien qu'elles pensent
d'une personnalité récemment défunte. Au terme de la nécrologie et suite à la
petite musique transitionnelle, on commence enfin à parler du reste, les deux
attentats, le crime de Londres, etc…
Ce n'est qu'un détail, mais il donne la mesure de l'inanité
du brouhaha médiatique qui, hors quelques émissions de qualité, tient lieu
d'information dans l'espace audio-visuel. En noyant tout, l'anecdotique et
l'essentiel, l'important et le dérisoire dans le même fleuve de paroles, la
culture de masse travaille patiemment, non seulement à la dépolitisation, mais
à l'infantilisation de ce qu'on appelait autrefois le peuple et qu'on nomme
aujourd'hui les masses.
Après, on s'étonne de l'ignorance des fondamentaux, des
raisonnements simplistes, pour ne pas dire puérils qui règlent tous les
problèmes sur la base du "n'y a qu'à" et qui font fi des plus
élémentaires réalités. On s'alarme du crédit des démagogues, de gauche comme de
droite, dont le "pensée" se réduit à des slogans. On s'effraie de la
montée des "populismes".
Avouons qu'on a tout fait pour en arriver là et qu'on
persiste.
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