lundi 27 mai 2013

Le président normal.



Il a pu paraître étrange que le président Hollande ait choisi Leipzig et une allocution devant un public étranger pour annoncer ce qui sera retenu, selon toute probabilité, comme le tournant décisif de son quinquennat. Et cela une semaine après une conférence de presse assez terne, hormis des propositions sur l'Europe qui – déjà un signe – ne faisaient que reprendre celles que son prédécesseur avait formulées dès octobre 2008 devant le Parlement européen.
Mais pouvait-il en être autrement ? Nous évoquions ici, dès fin 2012, le virage qui s'amorçait avec le pacte de compétivité et l'esquisse d'une continuité avec la politique précédemment menée. En assumant pleinement, à Leipzig, une orientation sociale-libérale plus proche de Tony Blair et Gerhardt Schröder (nommément cité) que des illusions que persiste à entretenir son électorat en France, François Hollande mettait ce dernier (et le PS avec lui) face au fait accompli tout en en amortissant l'effet.
Il est remarquable de constater combien les médias de gauche ont minimisé ces déclarations, se limitant à les présenter comme une sorte de politesse à l'égard de ses hôtes du SPD ou en en faisant un compte-rendu édulcoré. Alors qu'il s'agissait d'un événement politique majeur, "Le Monde" du 25 Mai le reléguait en page 4, sans mention de l'article dans son sommaire de première page et sous un titre lénifiant tiré du discours et qui n'engageait pas à grand-chose : "le réalisme, ce n'est pas le renoncement à l'idéal". Certes, mais on aurait pu ajouter : l'idéal, c'est la perfection, donc l'inaccessible.  De façon d'ailleurs moins dérobée, le journal reconnaissait qu'"une partie de l'intervention du chef de l'Etat semblait autant destinée à la gauche française qu'au public allemand". O combien !
La convaincra-t-il ? Déjà, au sein du PS, des voix s'élèvent, parlent de trahison. Mélenchon n'a rien dit, mais on ne perd rien pour attendre. Surtout, une masse de gens qui ont voté Hollande en Mai 2012, imaginant vraiment que le changement, c'était maintenant, ne comprend plus et se sent une nouvelle fois flouée. Mais c'est fait, Hollande l'a dit, il devient enfin un président normal.
Normal au sens que prend ce mot dans le cadre de la présidence quinquennale, c'est-à-dire un homme seul qui doit se montrer déterminé, oublier qu'il fut un chef de parti surtout quand ce parti persiste à formuler le langage de l'utopie et le déni des réalités, se montrer pragmatique, ne pas s'enfermer dans la vaine vindicte à l'égard de son prédécesseur dont, qu'il le dise ou non, il poursuit l'action entreprise et dont il doit imiter la fermeté face à la rue. Ainsi, il ne cédera pas face aux centaines de milliers de manifestants hostiles au "mariage pour tous" et il aura raison, non parce que cette réforme était nécessaire, mais parce qu'elle a été votée. Il pourra ainsi résister aux prévisibles centaines de milliers de protestataires qui défileront lors de la future réforme des retraites qui, contredisant les propos définitifs du PS de 2010, portera de-facto l'âge de la cessation d'activité à 65 ans, sinon plus. Il se donnera le courage de réformer la politique sociale pour sauver ce qui peut l'être, de simplifier l'administration et de réduire le nombre des fonctionnaires.
Avec quelle majorité ? Là est toute la question. Déconcerté, déstabilisé, le parti socialiste risque de se diviser. Une dissidence semblable à celle qui, il y a 55 ans, vit naître le "parti socialiste autonome" contre la politique algérienne de Guy Mollet est possible. Contre elle, le président dispose d'une arme absolue, la menace de dissolution. Vu l'état des lieux, maints députés socialistes n'ont guère de chance de retrouver le Palais-Bourbon et cette perspective rend docile tout élu récalcitrant. Mais ce choix conduirait cependant François Hollande à envisager éventuellement de se constituer une autre majorité, avec le risque de cette cohabitation que le quinquennat façon Jospin devait à jamais écarter.
Sera-t-il capable de le faire s'il se découvre acculé ? C'est au courage qu'il manifestera dans les mois qui viennent qu'on jugera si on l'a quelque peu sous-estimé et si un authentique homme d'Etat ne se cachait pas derrière celui que d'aucuns surnommaient déjà "pépère".
Comme l'énonçait (un peu vite) Lamarck : la fonction crée l'organe.

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