mercredi 16 mars 2022

 

Ecarter Poutine.

 

L'impensable! Un état membre permanent du Conseil de sécurité attaque et envahit un état voisin, lui-même affilié aux Nations-unies, sur la base de prétextes fantaisistes qui dissimulent mal le rêve d'une restauration impériale! Enfermé dans une logique aberrante qu'il entend, comme il l'affirme, poursuivre jusqu'au bout, le président Vladimir Poutine s'interdit lui-même toute concession, qui apparaîtrait comme une défaite. Il rend impossible toute solution de compromis alors qu'il paraît évident que son plan initial a échoué.

Alors, comment sortir de la crise actuelle et de la guerre en Ukraine? Au point où nous en sommes, l'hypothèse la plus opportune, il faut en convenir, serait la mise à l'écart, à Moscou, de Vladimir Poutine et un changement de gouvernement. Est-ce aussi illusoire que d'aucuns veulent le dire? Ce n'est pas sûr et les Européens, en particulier, peuvent y contribuer pour éviter le pire.

 

Constatons pour commencer que l'actuel bilan de Poutine est intégralement négatif. Il voulait satelliser l'Ukraine en la réintégrant dans la sphère politique russe et il a surtout réussir à l'unir contre lui. Il prétendait affaiblir l'OTAN et il l'a pratiquement ressuscité. Il pensait diviser l'Union européenne et non seulement il l'a ressoudée comme jamais, mais il lui a fait prendre conscience de la nécessité d'organiser sa défense commune. Il rêvait de réaffirmer la grandeur d'une Russie impériale et il l'a gravement discréditée aux yeux de quasiment le monde entier. Il n'est pas, au-delà des apparences, jusqu'à l'entente avec la Chine qu'il ait compromise en créant les conditions d'une crise mondiale qui porte indirectement atteinte aux projets économiques du gouvernement chinois et gêne ses entreprises diplomatiques. Il en faudrait moins pour s'interroger sur le bien fondé de sa politique et peut-être envisager, quand il en est encore temps, une réorientation radicale!

Car l'avenir se présente sous des conjonctures des plus sombres. L'armée russe s'enlise en Ukraine et ses difficultés révèlent des faiblesses inattendues. Les sanctions économiques et financières frappant la Russie vont gravement impacter la vie quotidienne et – nécessairement – engendrer du mécontentement. Poutine croit y répondre en interdisant toute information non officielle et en menaçant toute contestation de sévères sanctions, ressuscitant ainsi les pires méthodes de cette ère soviétique qu'il regrette, mais ce qu'il oublie, c'est que la société russe n'est plus ce qu'elle était du temps de Staline. Sur la base d'une génération qui n'a pas connu le communisme, il s'est développé une classe moyenne urbaine qui s'est ouverte sur le monde et dont les façons de vivre et de penser se sont rapprochées d'un certain style occidental : sa soumission est loin d'être assurée et de nombreux signes en témoignent.

Faisons le point. Dans l'impasse où il se trouve, Poutine est pratiquement condamné à une fuite en avant, ce qui signifie durcir tant les conditions de la guerre en Ukraine qu'aggraver en Russie la répression de toute opposition. Sa méthode est donc l'intimidation, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Faire peur est son arme absolue. Et c'est là qu'une riposte est possible qui peut précipiter sa chute.

Dans la conduite de la guerre et pour écarter tout risque d'intervention extérieure, Poutine n'a pas hésité à agiter la menace nucléaire. C'est évidemment effrayant et une récente enquête montre en France qu'il inquiète 65% des sondés mais réfléchissons un instant. Il reste en Russie suffisamment de gens raisonnables, y compris dans l'entourage de Poutine, pour mesurer la dimension suicidaire d'une pareille initiative Une attaque nucléaire contre un pays de l'OTAN appellerait aussitôt une riposte immédiate qui serait fatale à la Russie. Nous sommes là précisément face à la situation –type qui justifierait sa mise à l'écart avant qu'il enclenche l'irréparable.

Face à un autocrate enfermé dans une logique inconséquente et que son échec précipite dans la surenchère, il convient à la fois de demeurer calme et de conserver son sang-froid. Ne pas se laisser intimider et laisser le temps démontrer l'ampleur de son échec, ce qui conduira même ceux qui l'ont soutenu, par crainte ou par intérêt, à se désolidariser de lui. Les oligarques confrontés à défendre une cause perdue ou à sauver leur fortune en quittant un navire en perdition n'hésiteront pas longtemps. Les chefs militaires, conscients de leurs carences et des risques insensés que représenterait un élargissement du conflit, sauront se dérober. Surtout, face aux conséquences de la guerre et à la vacuité de sa motivation, la contestation grandira. Ne pas céder, ne pas répondre à d'éventuelles provocations, ne perdre aucune occasion de souligner l'isolement de l'agresseur semblent la meilleure tactique à adopter face aux menaces verbales et aux gesticulations.

L'OTAN retrouve là sa vocation première. Il ne faut pas oublier qu'elle est une alliance défensive, née à la fin des années 1940 pour contrer l'expansion d'une idéologie qui servait de prétexte au réveil de l'impérialisme russe. Aux lendemains de la dissolution de l'URSS et de la disparition de ce risque, elle ne subsistait que comme embryon de cette défense commune européenne  que les états de l'UE ne réussissaient pas à concrétiser et dont les Etats-Unis se désintéressaient de plus en plus : une chose est sûre, elle ne menaçait personne! Les fantasmes de Poutine l'ont sortie de ce coma et elle retrouve aux frontières orientales de l'UE ce rôle défensif qui donne à réfléchir.

Si nous voulons précipiter la chute du potentat moscovite, il faut donc se montrer ferme sans céder aux provocations et, surtout, se libérer d'une peur désarmante et injustifiée. Les menaces et l'intimidation ne sont là que pour masquer l'étendue des faiblesses et l'ampleur de l'échec d'une entreprise déraisonnable et anachronique.