dimanche 28 février 2021

Au delà des querelles actuelles.

 

Au-delà de querelles actuelles.

 

De toute évidence, la ministre de l'Enseignement supérieur a commis une grosse maladresse en usant de l'expression "islamogauchisme" pour décrire certaines dérives au sein de l'Université. Certes, tout n'était pas dépourvu d'arrières pensées dans la tempête politico-médiatique qu'elle a ainsi provoquée, mais il reste flagrant que cette formulation, aussi galvaudée et vide de sens que son symétrique l'islamophobie, était totalement mal venue.

Rappelons pour commencer que l'expression a été créée en 2002 par le politologue P-A. Taguieff dans le cas précis du conflit judéo-arabe et pour désigner le rapprochement, apparu à l'époque, entre des formations d'extrême gauche et le mouvement Hamas, (émanation de la confrérie islamiste des Frères musulmans), l'objectif étant l'unification du mouvement palestinien. Rien à voir par conséquent avec la conjoncture française ou européenne, mais dans une perspective polémique, l'énoncé a été pour ainsi dire naturalisé. Est-ce à dire qu'il ne recouvrait rien? Il rendait compte en fait d'une réalité plus générale et qu'on rencontre souvent dans l'histoire : l'alliance circonstancielle des radicalités, celle qui – si souvent – a fait converger des formulations d'extrême gauche et d'extrême droite jusqu'à conduire parfois à des rapprochements temporaires. Il ne fait pas de doute aujourd'hui qu'au nom d'une interprétation contestable d'un islam politique ramené à un prétendu conflit de classe, certains courants de la gauche radicale se sont rapprochés du fondamentalisme musulman, espérant peut-être se l'agréger. Si l'on comprend (sans nécessairement l'excuser) qu'un J-L. Mélenchon, dans sa quête éperdue de voix, participe à une manifestation où l'on crie "Allah akhbar!", on perçoit moins l'objectif d'intellectuels de renom voulant nous expliquer que l'adhésion à un fanatisme obtus est la conséquence d'une oppression plus ou moins post-coloniale. L'expression "islamogauchisme" est peut-être maladroite, mais elle répond au sentiment d'une certaine confusion perçue comme contre-nature.

Et l'on rencontre là, toujours au niveau des universités, un autre problème que la démarche de Frédérique Vidal a sorti de l'ombre et dont la portée est bien plus grande car elle touche la nature même de l'enseignement, l'incompatibilité entre la démarche éducative et le militantisme.

Un professeur n'est pas un clerc catéchiste ou un prédicateur. Son rôle n'est pas de diffuser une vérité, mais de développer des esprits critiques et de leur donner les moyens de choisir, en les instruisant, entre des interprétations existantes et souvent contradictoires. Il ne tranche pas, il fait connaître et son devoir est de ne favoriser aucune version ni aucune idéologie. Ce n'est pas forcément facile, mais c'est la base même du principe de laïcité. Or, certains l'ont oublié quand ils ne se sont pas fait devoir d'imposer, forts de leur autorité intellectuelle, ce qui était leur propre conviction. Cette dérive, sensible au niveau des sciences humaines (et spécialement de la sociologie) est inacceptable. Elle a un nom : l'endoctrinement, et elle n'est pas loin précisément de la démarche religieuse.

Au-delà des remous actuels, ce sont des questions de fond qui sont posées. Il est regrettable que des maladresses brouillent les perspectives et offrent facilement des occasions de polémiques politiciennes, mais face au retour d'une prédominance de la croyance sur la connaissance et à la diffusion de désinformations sur les réseaux sociaux, il est urgent de rappeler les fondamentaux qu'ont posé près de trois siècles de rationalité dans notre héritage culturel.

1 commentaire:

  1. Bien trop abscons pour ma vieille cervelle
    Et beaucoup trop long pour ma vue déficiente.

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