dimanche 11 avril 2021

Les enseignements de la pandémie.

 

Les enseignements de la pandémie.

 

Décidément, la pandémie de Covid 19 aura impulsé un véritable tournant historique remettant en cause les règles les mieux établies. Retenons en d'abord l'essentiel : l'abandon du modèle ultralibéral qui s'était institué dans le monde occidental dans la seconde moitié du XX° siècle et qui a engagé tant l'économie que le fonctionnement politique.

Déjà contesté depuis la crise financière de 2008, le néolibéralisme de l'école de Chicago n'a pas résisté aux conséquences de la crise sanitaire. A l'heure où l'Amérique de Biden s'inspire de Roosevelt, où l'Europe redécouvre l'interventionnisme étatique de Keynes et où une taxe mondiale sur les multinationales est envisagée, qui prône encore l'hégémonie du tout-marché et l'effacement de l'Etat? Au vu des pénuries subites affectant des secteurs industriels essentiels, qui ne critique pas la mondialisation dérégulée dont la Chine a profité pour consolider ses vues impérialistes? Ayant brutalement révélé ses nuisances, le néolibéralisme économique va rejoindre le communisme dans le placard des idéologies obsolètes.

Plus préoccupante, la débâcle des formes extrêmes du libéralisme radical entraîne, au plan politique, la mise en cause du libéralisme lui-même. Un peu partout, le retour de l'Etat, justifié par la nécessité de mesures d'exception face à l'épidémie, s'est traduit par un regain d'autorité dont les pratiques démocratiques ont fait les frais. Ce processus a été facilité par la déstructuration des sociétés qu'a concrétisé l'émergence de l'ultralibéralisme sociétal. Sous la pression d'un individualisme agressif joint aux transformations accélérées induites par les innovations techniques, les solidarités anciennes, les structures sociales que reflétaient politiquement les grands partis traditionnels se sont défaites. La lutte des classes n'est pas morte, mais elle ne s'établit plus sur la base des critères socio-économiques définis au XIX° siècle, elle oppose aujourd'hui les peu-instruits aux très-instruits, le "peuple" contre les "élites", la "France d'en bas" face à la "France d'en haut". Les Romains disposaient en latin de deux mots : populus désignait l'ensemble de la société, plebs  qualifiait plus précisément les couches populaires. Le premier a donné en français "peuple", le second se déclinerait en "plèbe", terme devenu presque aussi péjoratif que "nègre" et où l'on verrait aussitôt s'exprimer un "mépris de classe". C'est donc le mot "peuple" qui recouvre en français les deux notions, avec toute l'ambiguïté qu'on devine et qu'on retrouve dans l'actuel discours populiste.

Il ressort de tout cela beaucoup de confusion et à un an d'une échéance électorale capitale en France, on voit se désagréger les traditionnelles forces politiques. De quel projet est porteuse la droite parlementaire? Que penser d'une gauche éclatée où certains en sont à cautionner l'aliénation religieuse quand d'autres ressuscitent les compartimentages raciaux…? Tout porte donc à penser que nous retrouverons en 2022 la conjoncture de 2017, l'affrontement entre le populisme nationaliste et un modèle républicain de plus en plus présidentiel.

En fait, la pandémie, les mesures qu'elle a imposées, les disciplines qu'elle a fait naître préfigurent peut-être les conditions qu'exigeront les problèmes induits par le réchauffement climatique qui s'annonce. La démocratie libérale, ses débats, ses alternances risquent fort de céder la place à des mesures autoritaires prises sous la pression de la nécessité. De la même manière que furent décrétés confinement, contrôle des déplacements, fermeture des établissements commerciaux et culturels, les initiatives de nature écologique ont de fortes chances d'être prescrites d'autant qu'elles ne seront pas populaires. Nous vivons depuis plus d'un demi-siècle dans une société qui a conçu le progrès comme l'élévation croissante du niveau de vie et de consommation. La réponse au changement climatique impliquera beaucoup de renoncements dont – comme toujours – les couches populaires seront les premières affectées.

Et la nécessité des urgences, comme nous venons de le voir face à l'épidémie, justifiera la centralité des décisions. Le débat démocratique en souffrira sans doute mais quand on constate, comme c'est actuellement le cas avec la loi traitant de la fin de vie, que près de deux mille amendements ont déjà été déposés, on comprend que la voie parlementaire n'est malheureusement pas celle qui convient lorsque la maison brûle…

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Pour ajouter un commentaire, vous devez vous identifiez à l aide de la liste déroulante ci dessous...