Plus les
semaines passent, plus l'impression de continuité entre la politique du nouveau
président et celle menée par son prédécesseur se précise.
Evidemment, le
vocabulaire a changé, la langue française à d'infinies ressources mais même le
style présidentiel, qui semblait au début le signe marquant du changement,
s'est progressivement infléchi. Le président Hollande a oublié le train pour
retrouver l'avion, y compris l'usage de cet appareil présidentiel prétendument
pharaonique qui aurait fait le bonheur de quelque potentat d'Asie centrale ou
d'Afrique si on l'avait mis en vente, mais qu'on a trouvé préférable de
conserver et d'utiliser. Le président Hollande s'est aussi découvert la
vocation d'aller sur le terrain, y compris au marché de Rungis au petit matin.
Il appuie avant même que la Justice s'en occupe la plainte de sa compagne
contre les auteurs d'une biographie non autorisée. Il court-circuite son
Premier ministre et laisse clairement entendre que c'est à son niveau que se
prennent les décisions. Lui qui manifestait sa répugnance pour les ors et les fastes
des palais de la République transforme une conférence de presse en une
cérémonie digne de la Cour de France. Il n'en est pas à faire un jogging
matinal, mais ça va peut-être venir.
Tout cela ne
relèverait néanmoins que du folklore s'il n'y avait les choix politiques et les
décisions mises en œuvre.
Le traité
européen, justement surnommé "Merkozy", que le candidat Hollande
s'était engagé à renégocier a été adopté, moyennant un codicille qui n'engage à
peu près personne. La réforme des universités a été maintenue. La TVA que
l'ancienne majorité qualifiait de "sociale" et que l'opposition
socialiste d'alors fustigeait impitoyablement a été réintroduite sans son
épithète, ce qui change tout. Le "choc de compétitivité" que prônait
l'ancienne majorité est devenu un pacte. La flexibilité du travail a été
introduite au terme d'une grand'messe, mais le gouvernement avait annoncé, tel
un Sarkozy, que s'il n'y avait pas d'accord au bout de quarante-huit heures, il
légiférerait d'autorité. On va remettre sur le métier la réforme des retraites,
jugée incomplète alors qu'au moment de son élaboration, l'opposition
aujourd'hui au pouvoir participait à une mobilisation massive dans la rue
contre le projet. Et pour couronner le tout, le président engage la France dans
une guerre en Afrique quand ses amis parlaient d'aventurisme aux premiers jours
de l'intervention en Libye.
Va-t-on en
faire reproche au président Hollande ? Certes non, le pire aurait été (on l'a
craint un moment) qu'un antisarkozysme névrotique conduise à tout jeter à bas
alors que le nouveau pouvoir, hors des incantations, n'avait rien de précis à
mettre à la place. Le réalisme a triomphé, mettant clairement en lumière qu'il
n'y a pas grand choix de solutions aux problèmes qui se posent, vu la
convergence de contraintes qui s'imposent et sur lesquelles nul n'a prise à
l'échelle nationale. Quelques réajustements sont toujours possibles mais là
encore, la marge est limitée et ne laisse pas place aux gestes spectaculaires,
comme l'a montré le destin avorté de la taxation à 75% et comme se prépare
l'enterrement du droit de vote des étrangers aux élections locales.
La continuité
dans la conduite des politiques vient simplement souligner le côté artificiel,
sinon théâtral, de l'opposition droite-gauche, au niveau des partis décidés à
gouverner. Celle-ci n'a plus de sens qu'à la hauteur des extrêmes, où
l'imprécation tient lieu de programme et où la certitude de ne pas accéder au
pouvoir permet toutes les propositions, seraient-elles absurdes. La prise de
conscience du côté fallacieux de prétendues alternatives devrait logiquement,
comme cela se produit dans d'autres pays, conduire à la constitution d'un
gouvernement d'union nationale qui fédérerait tous les efforts. Hélas !
l'opinion en France est profondément manichéenne, depuis les Armagnacs et les
Bourguignons, et tout abandon des traditionnels clivages, seraient-ils devenus
illusoires, mettrait en question trop de déroulements de carrière dans la
classe politique pour qu'une telle option soit même envisageable.
Il est bien
plus gratifiant de poursuivre et de prolonger en faisant semblant de faire
autre chose. L'emballage compte plus que le contenu, comme l'ont depuis
longtemps compris les experts en marketing.
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