La fonction
crée l'organe, énonçait Lamarck au XVIII° siècle. Les progrès de la science
n'ont peut être pas corroboré la proposition, mais il n'est pas impossible que
celle-ci puisse s'appliquer aux présidents de la V° République, spécialement
depuis l'instauration du quinquennat. François Hollande, dont on se demandait
ici même il y a quelques mois si son profil correspondait bien aux exigences de
l'hyperprésidence instituée par la réforme de 2000 vient, comme par un coup de
baguette magique, de s'affirmer dans un style que n'aurait pas désavoué son
prédécesseur pourtant si décrié. Et pas à propos d'une question anodine : en se
déclarant en guerre !
Au temps du
septennat, les présidents laissaient leur empreinte sous la forme de quelque
grande réalisation culturelle emblématique. Pompidou avait installé le Centre
Beaubourg ; après avoir inauguré la Grande Arche de la Défense, Mitterrand
avait rénové le Louvre et l'avait doté de sa pyramide ; Chirac avait créé le
musée des Arts premiers du quai Branly. Les présidents du quinquennat, dont le
pouvoir s'apparente à celui des rois et empereurs de jadis, semblent avoir
décidé, eux, de marquer leur mandat du sceau de la guerre. Nicolas Sarkozy, en
2011, avait envoyé l'armée en Libye pour en chasser le dictateur Khadafi. Plus
audacieux encore, François Hollande s'engage seul au Mali dans une opération
risquée contre les bandes djihadistes qui sèment la terreur dans le Sahel.
Du coup, le
voilà qui se transfigure. L'homme qu'on présentait volontiers comme indécis,
sans grande autorité, plus enclin à négocier qu'à trancher, dont certains
brocardaient l'apparence de notaire de province et les cravates de travers, se
mue subitement en chef de guerre. Expression sévère, démarche assurée, il n'est
pas jusqu'à son élocution un peu saccadée, qui donnait la permanente impression
de l'hésitation, qui ne s'affermisse. Il prend soudain le ton du commandement,
il se révèle comme le veut la Constitution en chef suprême des armées, la
fonction pour laquelle les anciens Romains avaient inventé le titre d'imperator.
Et personne ne
sourit; Les humoristes patentés se taisent. Les leaders de l'opposition
énoncent timidement quelques objections sans insister puisque les sondages
annoncent que 70% de l'opinion approuve. Seul aux commandes, ayant décidé une
opération bien plus conséquente que celle de Libye puisqu'elle engage des
troupes terrestres, François Hollande vient d'endosser le costume
hyperprésidentiel avec la même autorité que Nicolas Sarkozy naguère. Fin de
l'épisode de la "normalité" présidentielle. Ou plutôt non,
reconnaissance que c'est ainsi que sous la V° République quinquennale, un
président est "normal".
Gardons-nous
d'ironiser. En agissant ainsi, le président Hollande s'avère le premier haut
responsable occidental à déclarer la guerre à ce cancer du monde actuel qu'est
l'islamisme radical. Foin des faux-semblants et des pirouettes du
"politiquement correct", l'ennemi est clairement désigné et en y
allant seule quand les autres tergiversent, la France donne une véritable leçon
au monde, et en premier lieu à l'Occident, européen comme américain. La
détermination de François Hollande déstabilise même les régimes islamiques qui
se prétendent modérés, à Tunis ou au Caire, et qui se voient obligés de se
désolidariser des courants salafistes qu'ils encourageaient en sous-main.
Evidemment, on
dira que tout cela fait aussi diversion, que ça ne réglera ni la question du
chômage, ni le poids d'une dette publique qui risque encore d'augmenter car la
guerre coûte cher. Certains rappelleront que l'intervention de Louis XVI en
1778 dans la guerre d'Indépendance américaine, (qui fut décisive), ne manquait
certes pas de panache, mais précipita la chute de la monarchie en transformant
le trou budgétaire en abîme.
Tout cela est
vrai, mais tant qu'à faire diversion, prendre la tête du combat contre
l'islamisme radical a quand même une autre allure que s'empoigner autour du
"mariage pour tous".
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