Voici qu'en ce
mois de mars, le théâtre du Lucernaire, à Paris, met en scène le "George
Dandin" de Molière, grinçante farce qui conte les malheurs d'un homme dupé
et humilié pour s'être lui-même fourvoyé dans une situation qui le dépasse et
où il va d'abdications en renoncements.
Comment ne pas
penser à notre gauche de gouvernement, qui après toutes ces mesures reprenant
sous un autre nom des dispositions du pouvoir qu'elle remplace et qu'elle avait
en d'autres temps férocement fustigées, se voit à présent engagée dans la voie
d'une réforme des retraites et même – horresco
referens – du réajustement de la taxation des carburants, dossier explosif
s'il en est ?
Comment ne pas
s'interroger sur les obscures raisons qui lui ont fait briguer le pouvoir au
moment précis où elle aurait dû tout mettre en œuvre pour que ce soit la droite
qui ait à gérer l'avalanche de mesures impopulaires que la conjoncture
économique promettait à coup sûr ?
Il semble
difficile d'imaginer que les stratèges du PS aient mal évalué la gravité et la
complexité de la situation. Sauf à vivre sur une autre planète, il s'agissait
d'une évidence. On pouvait certes imaginer la venue de jours meilleurs, espérer
on ne sait quel miracle qui ramènerait la croissance et permettrait de rétablir
les comptes en douceur, mais aucun économiste sérieux n'y croyait et l'on ne
prend pas la direction d'un état en tirant des plans sur la comète ou en
attendant la descente du Père Noël. Pourquoi donc s'être donné tant de mal,
avoir enflammé les foules des meetings en clamant que le changement, c'était
maintenant ? Pourquoi avoir improvisé à la tribune de fulgurantes propositions
comme cette taxation à 75% dont tout expert savait qu'elle serait considérée
inconstitutionnelle ? Pourquoi s'être lancé en direct dans cette imposante
anaphore, qui laissa pantois l'adversaire, et dont nous voyons l'un après
l'autre les termes démentis par l'action réellement menée ?
Peut-être la
réponse est-elle limpide, dans sa simplicité. Ce n'est pas même une volonté de
gagner après une longue éclipse qui suscitait cette ardeur puisque gagner dans de
telles conditions préparait à coup sûr une future perdition. Non ! Il
n'existait qu'une seule, unique, irrésistible motivation : battre Nicolas Sarkozy.
Le changement, c'était bien maintenant, mais il se limitait à une substitution
de personne : François Hollande remplaçait à l'Elysée Nicolas Sarkozy. Point
final. Le changement était intervenu le soir du 6 mai 2012. Le rideau pouvait
tomber, se rouvrir, et la même représentation se poursuivre, simplement avec
d'autres acteurs.
L'opinion s'en
est-elle satisfaite (et nous parlons là évidemment de ceux qui avaient cru au
changement et y crurent encore quelques mois) ? Il semble bien que non, si l'on
observe les résultats des instituts de sondage. Le public siffle et ce n'est
qu'un début, avec ce qui s'annonce !
N'aurait-il
pas été préférable, dans une perspective de gauche, que ce soit précisément la
droite qui se charge de cette rude tâche ? Cela aurait même permis de
critiquer, de pourfendre, de se moquer… Hélas ! Ce n'est plus possible. Ce sont
les rameurs du PS qui sont aux avirons de la galère et la mer grossit, le ciel
se plombe…
Alors, voilà qu'on
entend George Dandin qui gémit sur lui-même: "Vous l'avez voulu ! Vous l'avez voulu, George Dandin ! Vous l'avez
voulu ! Cela vous sied si bien et vous voilà ajusté comme il faut : vous avez
justement ce que vous méritez…". George Dandin. Acte I, scène 9).
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