dimanche 28 octobre 2012

Et si l'on changeait de logiciel politique ?




Il est naturel qu'en régime représentatif (et à plus forte raison s'il est démocratique, autrement dit fondé sur la participation de l'ensemble de la société civile), l'opinion se divise en deux grandes familles incarnant, pour demeurer large, l'une le mouvement, l'autre le conservatisme. C'est ainsi que sont apparues en France dès l'époque de la Révolution française les notions de gauche et de droite, nées de la disposition des députés dans les enceintes du temps.
Durant la plus grande partie du XIX° siècle, la césure s'est établie en fonction du regard porté sur l'héritage de la Révolution, libéraux contre conservateurs, républicains contre monarchistes. Dans le dernier quart du siècle, la démocratie politique étant fondée et sous l'influence des problèmes sociaux nés de la révolution industrielle, la différence droite-gauche s'est imprégnée de déterminants économiques par le biais de la critique du capitalisme libéral. Devenue socialiste au XX° siècle, la gauche s'est progressivement définie comme favorable à un système où une forme de propriété collective et d'économie organisée se substituerait au libre marché et à la propriété privée des instruments de production. Même si de profondes divergences allant jusqu'à l'antagonisme ont opposé les tenants d'un système totalement administré (les communistes) à ceux qui acceptaient le capitalisme sous condition d'un solide encadrement par une politique sociale (les sociaux-démocrates), le projet d'une société régie par d'autres règles que celle du libéralisme économique est demeuré la constante fondamentale de la pensée de gauche durant tout le XX° siècle, au point que la vieille différence gauche-droite a fini par s'assimiler à l'opposition entre socialistes et libéraux.
C'est cette disposition quasi séculaire qui s'est brusquement trouvée mise en cause par l'enchaînement d'événements intervenus depuis 1990. L'effondrement de l'URSS, entièrement conditionné par l'échec retentissant de son système économique, a brutalement discrédité l'idée même de collectivisme au moment où des normes néolibérales triomphaient au sein d'une économie rapidement mondialisée. La gauche socialiste s'est ainsi trouvée privée d'un élément fondamental de son projet global resté lointainement marqué, au-delà des dilutions et des relectures, par le modèle marxien. A ce brusque collapsus se sont joints les effets dévastateurs de la crise provoquée par les excès du néolibéralisme et auxquels elle n'a su opposer aucune alternative crédible, ses anciennes recettes étant devenues caduques et aucun contre-projet fiable n'ayant été dégagé. Il ne lui est resté que la ressource de défendre les acquis de l'état-providence mis en place dans le cadre de la grande prospérité d'après-guerre et de plus en plus compromis par les difficultés financières et le marasme économique surgis avec le XXI° siècle, attitude par définition conservatrice qui a conduit à une singulière inversion des rôles. Alors que la gauche s'était constamment identifiée à l'innovation et au progrès, c'est à droite que sont apparus les idées neuves et la volonté de réformes propres à sauvegarder l'essentiel tandis que la gauche s'obstinait, par tous les moyens, à pérenniser des dispositifs obsolètes, serait-ce au prix d'un déni des réalités.
Parvenue au pouvoir au printemps 2012 au terme d'une campagne dont le seul vrai moteur fut la volonté d'écarter le président Sarkozy, elle se découvre sans projet ni programme, en charge d'une situation particulièrement difficile sur laquelle elle n'a pas sérieusement prise. Ses précédents succès électoraux, qui lui accordent la maîtrise des régions, la placent d'autre part dans une situation si hégémonique qu'elle la prive de toute excuse en cas d'échec. Il se pourrait bien qu'on assiste à la fin d'une époque.
Est-ce à dire que l'idée même d'une alternative s'évanouirait avec le naufrage prévisible de l'actuelle gauche de gouvernement ? Evidemment non, mais peut-être faudrait-il penser les choses différemment.
Dès maintenant, les vrais clivages ne sont plus entre une gauche et une droite parlant un langage du passé pour finir par mener, avec des mots différents, des politiques similaires, ils sont plutôt dans le choix ou le rejet d'une option européenne impliquant à terme la subordination des états-nations historiques à des structures fédéralisées. Et cette frontière traverse et divise les deux familles traditionnelles.
Il se peut aussi que la renouvellement d'une pensée innovante se fasse en direction de l'écologie, non pas sous l'actuelle forme caricaturale qui voit les représentants de l'écologie politique plus avides de maroquins ministériels que de prises de position conséquentes, mais dans le sens d'une profonde refonte du mode de civilisation qui risque de devenir une impérieuse nécessité plus le siècle avancera.
En tout état de cause, il semble bien que ce soit effectivement d'un autre logiciel politique dont nous ayons besoin.

1 commentaire:

  1. Pierre Hennequin2 novembre 2012 à 21:42

    La gauche et la droite parlent l'une et l'autre un langage du passé, dis-tu: il faut donc un nouveau logiciel politique. D'accord, ô combien! Là où le bât blesse, c'est dans la définition du nouveau logiciel... L'Europe comme solution: je 'y crois pas, et d'autant moins à l'heure des tergiversations gréco-byzantines, et de l'éclatement programmé de la Belgique et de l'Espagne, voire de l'Italie et du Royaume-Uni. A moins d'un coup d'état en bonne et due forme des fédéralistes. Quant à voir dans l'écologie une solution politique cela relève du voeu pieux également. Donc, modestement, restons en France mais réformons les institutions. J'ai quelques idées là-dessus...

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