Si l'on convient que la Révolution française a bien été l'acte fondateur de la France moderne, force est de constater qu'il ne s'est produit de travail constructif et durable qu'aux deux extrémités de cette tumultueuse séquence de quinze années, soit les premiers temps de l'Assemblée Constituante (1789-1791), puis la période de la république consulaire instituée par Bonaparte après le coup d'état du 18 Brumaire (1800-1804). Entre les deux, il n'y a guère eu que luttes de factions et guerre permanente, civile et étrangère.
Si l'on considère parallèlement
que l'histoire du XIX° siècle en France n'a été qu'un long remake des années révolutionnaires, comme si la société cherchait
au-delà de la crise fondatrice à définir le meilleur type de gouvernement soldant
la grande rupture de 1789, un curieux constat s'impose plus de deux siècles
après l'événement.
A partir de 1815, la France
expérimente successivement un retour à la monarchie censitaire, d'abord mêlée
de nostalgie d'Ancien Régime avant de s'aligner, après 1830, sur le modèle
anglais. Puis, la révolution de 1848 ayant ranimé les souvenirs de 1792, une
république monocamériste s'esquisse, que ses contradictions et l'absence d'un
vrai soutien populaire conduisent en peu de temps à ressusciter l'option
bonapartiste jusqu'à restaurer un second Empire. Celui-ci succombant comme le
premier aux excès de sa politique étrangère, un régime proprement
parlementaire, fortement dominé par le pouvoir législatif s'instaure après
1875. Durant plus de trois-quarts de siècle, sous la forme des III° et IV°
Républiques (l'intermède de Vichy apparaissant purement circonstanciel), il
donne un moment l'impression d'être définitif jusqu'à ce que ses carences, déjà
sensibles en 1940 et devenues éclatantes face à la décolonisation, entraînent
sa chute en 1958.
Que voit-on alors ressurgir
porté par la haute figure du général de Gaulle ? Un dispositif qui rappelle
fortement les conceptions bonapartistes, un exécutif fort et personnalisé dont
la réforme constitutionnelle de 1962 instituant l'élection du Président au
suffrage universel accentue l'aspect plébiscitaire. Si l'on cherche des
référents à la V° République, c'est à coup sûr vers le premier Consulat ou
l'ultime métamorphose parlementaire du régime de Napoléon III qu'on les trouve.
Ce qui est plus surprenant,
c'est l'adhésion majoritaire de l'opinion et le ralliement progressif de la
classe politique qui fait que ce régime, aujourd'hui biséculaire, n'est pas
sérieusement remis en cause. Mieux, il n'a cessé d'être renforcé par ceux-là
mêmes qui l'avaient à ses débuts rejeté. François Mitterrand, auteur en 1963
d'une charge fort bien argumentée sous le titre "le coup d'état permanent", en accentue le caractère
présidentiel – sinon monarchique – sitôt élu en 1981. Lionel Jospin, son fidèle
lieutenant, Premier ministre en 2000 de Jacques Chirac, fait adopter par
référendum le quinquennat présidentiel assorti d'une modification du calendrier
électoral qui assure pour cinq ans au Président élu un pouvoir sans partage.
L'hérédité en moins, c'est quasiment le retour de Napoléon III. Nicolas Sarkozy
saura en tirer parti ; son successeur et opposant est en train de se couler doucement
dans le moule.
Et si, sous un nom ou sous un
autre, le bonapartisme était le régime préféré d'un peuple français resté,
sinon royaliste, du moins fondamentalement monarchiste ?
octobre 2012
Et bien voila qui présage de belles et enrichissantes lectures pour l'hiver de métropole... de quoi agrémenter nos tropicales journées ensoleillées...
RépondreSupprimerBises