lundi 22 octobre 2012

Et si les Français étaient bonapartistes ?



Si l'on convient que la Révolution française a bien été l'acte fondateur de la France moderne, force est de constater qu'il ne s'est produit de travail constructif et durable qu'aux deux extrémités de cette tumultueuse séquence de quinze années, soit les premiers temps de l'Assemblée Constituante (1789-1791), puis la période de la république consulaire instituée par Bonaparte après le coup d'état du 18 Brumaire (1800-1804). Entre les deux, il n'y a guère eu que luttes de factions et guerre permanente, civile et étrangère.
Si l'on considère parallèlement que l'histoire du XIX° siècle en France n'a été qu'un long remake des années révolutionnaires, comme si la société cherchait au-delà de la crise fondatrice à définir le meilleur type de gouvernement soldant la grande rupture de 1789, un curieux constat s'impose plus de deux siècles après l'événement.
A partir de 1815, la France expérimente successivement un retour à la monarchie censitaire, d'abord mêlée de nostalgie d'Ancien Régime avant de s'aligner, après 1830, sur le modèle anglais. Puis, la révolution de 1848 ayant ranimé les souvenirs de 1792, une république monocamériste s'esquisse, que ses contradictions et l'absence d'un vrai soutien populaire conduisent en peu de temps à ressusciter l'option bonapartiste jusqu'à restaurer un second Empire. Celui-ci succombant comme le premier aux excès de sa politique étrangère, un régime proprement parlementaire, fortement dominé par le pouvoir législatif s'instaure après 1875. Durant plus de trois-quarts de siècle, sous la forme des III° et IV° Républiques (l'intermède de Vichy apparaissant purement circonstanciel), il donne un moment l'impression d'être définitif jusqu'à ce que ses carences, déjà sensibles en 1940 et devenues éclatantes face à la décolonisation, entraînent sa chute en 1958.
Que voit-on alors ressurgir porté par la haute figure du général de Gaulle ? Un dispositif qui rappelle fortement les conceptions bonapartistes, un exécutif fort et personnalisé dont la réforme constitutionnelle de 1962 instituant l'élection du Président au suffrage universel accentue l'aspect plébiscitaire. Si l'on cherche des référents à la V° République, c'est à coup sûr vers le premier Consulat ou l'ultime métamorphose parlementaire du régime de Napoléon III qu'on les trouve.
Ce qui est plus surprenant, c'est l'adhésion majoritaire de l'opinion et le ralliement progressif de la classe politique qui fait que ce régime, aujourd'hui biséculaire, n'est pas sérieusement remis en cause. Mieux, il n'a cessé d'être renforcé par ceux-là mêmes qui l'avaient à ses débuts rejeté. François Mitterrand, auteur en 1963 d'une charge fort bien argumentée sous le titre "le coup d'état permanent", en accentue le caractère présidentiel – sinon monarchique – sitôt élu en 1981. Lionel Jospin, son fidèle lieutenant, Premier ministre en 2000 de Jacques Chirac, fait adopter par référendum le quinquennat présidentiel assorti d'une modification du calendrier électoral qui assure pour cinq ans au Président élu un pouvoir sans partage. L'hérédité en moins, c'est quasiment le retour de Napoléon III. Nicolas Sarkozy saura en tirer parti ; son successeur et opposant est en train de se couler doucement dans le moule.


Et si, sous un nom ou sous un autre, le bonapartisme était le régime préféré d'un peuple français resté, sinon royaliste, du moins fondamentalement monarchiste ?


octobre 2012

1 commentaire:

  1. Et bien voila qui présage de belles et enrichissantes lectures pour l'hiver de métropole... de quoi agrémenter nos tropicales journées ensoleillées...
    Bises

    RépondreSupprimer

Pour ajouter un commentaire, vous devez vous identifiez à l aide de la liste déroulante ci dessous...